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vendredi 21 octobre 2016

La chronique économique : L’atout Rosneft

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Le Quotidien d’Oran, mercredi 19 octobre 2016
Akram Belkaïd, Paris

Vous connaissiez déjà Gazprom, il est temps de retenir le nom de Rosneft, le premier producteur russe de pétrole avec 4 millions de barils par jour. Alors que l’on parle beaucoup du géant gazier, notamment en raison des tensions récurrentes d’approvisionnement, avec l’Ukraine et, par ricochet, l’Union européenne (UE), le « major » russe poursuit une expansion qui en fait l’un des poids lourds mondiaux du marché du brut. Et aussi, un instrument géopolitique pour le Kremlin.

Deux opérations majeures

Il y a quelques jours, Rosneft (détenu à 70% par l’Etat russe) a ainsi conforté sa place de numéro un russe en rachetant la compagnie pétrolière publique Bachneft pour un montant de 4,7 milliards d’euros. Une manne bienvenue pour le gouvernement russe qui cherche à limiter son déficit budgétaire mais qui confirme à quel point Rosneft est désormais incontournable. « Ils ont fait la meilleure offre » a déclaré à ce sujet le président Vladimir Poutine pour justifier cette opération qui n’est donc pas une vraie privatisation puisqu’elle concerne deux groupes contrôlés par l’Etat. Au départ, plusieurs ministres s’opposaient à ce deal, certains estimant que le groupe privé Lukoil ferait mieux l’affaire.

C’était sans tenir compte du poids politique et économique d’Igor Setchine, le patron de l’entreprise. Comme Poutine, dont il est un proche, c’est un ancien du KGB et il a tâté de la politique avant de prendre en main le groupe étatique. Et c’est sous l’impulsion de Setchine que Rosneft a pris de l’importance et s’est diversifié. En 2013, à la surprise générale, le pétrolier avait acquis le groupe TNK-BP ce qui lui avait conféré une visibilité internationale. Aujourd’hui, Rosneft est la plus grande capitalisation boursière russe (devant Gazprom !) puisqu’il pèse près de 60 milliards de dollars. En début de semaine, le groupe s’est aussi illustré en déboursant avec ses partenaires - le courtier européen Trafigura et le fonds russe United Capital partners (UCP) - la somme coquette de 13 milliards de dollars pour acquérir la branche pétrolière (dont des raffineries) du groupe indien (très endetté) Essar.

Un outil géopolitique

Ces deux rachats démontrent que Rosneft est désormais un atout stratégique et d’influence géopolitique pour l’Etat russe. Avec Bachneft, le groupe contrôle désormais 40% de la production nationale d’or noir. La Russie peut donc signifier à l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) qu’elle a la capacité politique pour limiter ou non ses propres pompages de brut. Une donnée importante quand on sait que le Cartel tente de convaincre Moscou de s’associer à un mouvement de réduction de la production. Au cours des dernières années, de nombreux analystes ont avancé l’idée que le pouvoir russe perdrait de son influence sur les questions pétrolières en raison de la privatisation progressive de ce secteur. Certes, et à en croire le discours officiel, Rosneft est appelé à être privatisé à l’avenir, mais pour l’heure cette compagnie demeure publique et donc soumise aux « orientations » du Kremlin.

Avec l’achat d’Essar Oil, c’est un mouvement stratégique d’ampleur que réalise Rosneft. Cela signifie que les intérêts pétroliers russes prennent pied sur le marché indien ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour les exportateurs du Golfe. Jusqu’à présent, ces derniers représentent près des deux tiers des approvisionnements en hydrocarbures de l’Inde.  En contrôlant les raffineries locales, Rosneft pourra modifier ses sources d’approvisionnements et concurrencer les fournisseurs du Moyen-Orient. Un atout important quand on sait que la demande indienne en pétrole (importée à 80%) est en train de supplanter celle de Chine. Avec Rosneft, la Russie met donc un pied dans le pré-carré des exportateurs pétroliers du Golfe et en ces temps de tensions géostratégiques, c’est tout sauf anodin.


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