Lignes quotidiennes

Lignes quotidiennes
Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

lundi 29 septembre 2014

Bruno Dumont et le cinéma

_
L'hebdomadaire L'Express a eu la bonne idée d'interviewer Bruno Dumont, cinéaste discret mais exigeant - certains diront hermétique -, et ancien prof de philo.
Extraits :

L'Express : A quoi sert le cinéma ?
Bruno Dumont : A sortir de la vie. Le cinéma est un art et l'art élargit le spectre de notre pensée. C'est un lieu de réflexion, de méditation, de distraction. Mais il est devenu trop récréatif. L'industrie n'en fait que ça. Ou presque. C'est pourtant un art majeur, dont il faut accepter les épines. Les épines font partie de la rose. Il y a quarante ans, un film de Bergman créait l'événement. Aujourd'hui, il sortirait en salles en faisant moins de bruit. Ce cinéma-là circule davantage dans les festivals, mais a du mal à vivre dans le commerce. (...)

Qu'est-ce qui différencie le cinéma des autres arts ?
Il fait prendre conscience de l'altérité, connaître les autres, les autres pays, les autres mœurs. Il possède une fonction d'apprentissage. C'est un art populaire qui donne une ouverture d'esprit. Il nous fait grandir, apprendre, accepter, comprendre. Le cinéma est le témoin du mystère humain, ce que l'on est. L'art possède une puissance cathartique évidente (...) Je sors meilleur d'un film, parce que j'y ai compris quelque chose de mes instincts (...)

N'est-ce pas très égocentrique de déclarer au monde "voilà ce que j'ai à dire" ?
(...) Le pire des auteurs est celui qui pense au public. Le public vous sera gré, je pense, de votre sincérité. Le désir de plaire, c'est de la démagogie. C'est insupportable. Marcel Proust a toujours dit qu'il écrivait pour lui. C'est la seule façon de dire son respect au public. Les films faits pour le public sont médiocres, parce qu'ils veulent s'adresser à tous. C'est le consensus plat. Et l'industrie fonctionne ainsi.
__

Sur sa propre vision de la vie, Bruno Dumont a ces mots : " (...) Je ne crois pas que l'amour soit éternel mais je crois à l'amour. Je crois au miracle de l'instant. Il faut jouir du présent. Mais il faut être conscient et lucide sur la nature de notre existence. Ne pas dire qu'on va changer le monde. La perfection n'existe pas. Le pire, c'est la cohérence. La vérité, c'est le clair-obscur. Et c'est bien. Il faut être joyeux de ça. La vraie nature des êtres, c'est l'ambivalence. Et j'en suis heureux.
_

Aucun commentaire: