Lignes quotidiennes

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mardi 29 avril 2014

La chronique économique : Le taux d’intérêt est faible, c’est grave ?

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 23 avril 2014
Akram Belkaïd, Paris

Quel est le fondement de l’économie mondiale ? Nombreux sont ceux qui répondent à cette question par une ode au marché et à la libre-concurrence. Mais en faisant cela, ils confondent la fondation avec l’architecture. En réalité, le point essentiel qui régit depuis plusieurs siècles les échanges économiques est le taux d’intérêt. C’est ce « loyer » de l’argent prêté ou investi qui façonne les grandes évolutions du moment et c’est lui qui se retrouve actuellement au centre des discussions.

Un problème pour l’économie mondiale

Il y a quelques jours, le Fonds monétaire international (FMI) et le Trésor américain ont mis en garde sur le fait que les taux d’intérêt (ajustés à l’inflation) traversent actuellement une phase baissière et cela depuis une trentaine d’années. Une période qui pourrait, selon ces deux organismes influents, se prolonger. Vu sous l’angle du consommateur ou du client d’une banque, la baisse du taux d’intérêt peut paraître une bonne nouvelle. Or, c’est le contraire pour l’économie mondiale et cela en raison de deux facteurs.

D’abord, il y a le fait que cette faiblesse ne fait pas l’affaire des investisseurs et des épargnants. Confrontés à une baisse de ce que leur rapporte leurs placements, les premiers, bien plus que les seconds, sont donc tentés de prendre des risques et d’alimenter des processus spéculatifs. C’est ce à quoi nous assistons depuis quelques années (bulle internet, immobilier, subprimes,…). Ensuite, il y a la difficulté pour les banques centrales de conduire une politique monétaire incitative par le biais d’une baisse des taux. Quand ces derniers sont déjà très bas et que l’activité ralentit fortement, la marge de manœuvre de ces institutions devient réduite à moins qu’elles ne testent la situation de taux nominaux égaux ou inférieurs à zéro (ce qui reviendrait à dire que c’est le prêteur qui doit de l’argent à l’emprunteur !).

Comme le relèvent de nombreux économistes, cette situation est le résultat de plusieurs dérives. Premièrement, et contrairement à plusieurs idées reçues, c’est le fait d’un excédent de l’épargne mondiale. Cette dernière est disponible partout, y compris dans les pays les plus pauvres. Résultat, face à cette abondance, le taux d’intérêt ne peut être élevé selon le principe habituel de l’offre et de la demande. Deuxièmement, c’est aussi la conséquence de la lutte sans merci que mènent depuis trois décennies les banques centrales contre l’inflation. Enfin, il y a la combinaison de la baisse de la demande, de la perte du pouvoir d’achat d’une part importante de la population confrontée au chômage ou au risque de perdre son emploi et, enfin, à l’accroissement des inégalités avec des classes aisées de plus en plus riches mais qui dépensent moins.

Un retour à l’inflation ?

Face à cette situation, il n’est pas rare d’entendre des experts réclamer un retour à des politiques monétaires moins contraignantes. En clair, il s’agirait de laisser filer l’inflation, un mal jugé nécessaire pour relancer la machine économique et permettre l’appréciation des taux d’intérêts. Reste que cette perspective ne fera pas l’affaire des rentiers (et des épargnants) mais aussi des entreprises qui font de la limitation salariale un pivot de leur stratégie financière. Et c’est d’ailleurs là que repose peut-être la vraie explication de la faiblesse du taux d’intérêt, celle d’une modération exagérée des salaires.
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