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jeudi 6 février 2014

La chronique économique : Quand le Golfe veut importer du gaz d’Amérique

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 29 janvier 2014
Akram Belkaïd, Paris

On pourrait dire que c’est le monde à l’envers. Depuis quelques mois, plusieurs pays du Golfe regardent du côté de l’Amérique du nord pour y investir. Rien de nouveau, certes, mais cette fois, c’est le secteur énergétique qui est visé. Ainsi, les Emirats arabes unis (EAU) et, à un degré moindre, l’Arabie Saoudite et le Koweït, se disent intéressés par les gisements de gaz de schiste aux Etats-Unis et au Canada. Pour mémoire, l’émirat d’Abou Dhabi s’était déjà intéressé aux sables bitumineux de l’Alberta, dans le nord-ouest canadien, mais l’exploitation de ces hydrocarbures non-conventionnels lui apparaît aujourd’hui bien plus coûteuse que celle du « shale gas », c’est-à-dire le gaz de schiste.

Une consommation en hausse

Pour les pays du Golfe, l’idée n’est pas uniquement de tirer profit du boom de cette ressource. Selon le Financial Times, le but recherché à travers ces futurs investissements est de rapatrier physiquement une partie de la production nord-américaine. Les Emirats envisagent même pour cela la construction d’un terminal de gaz naturel liquéfié et la mise en place d’une flotte de méthaniers. Un étonnant renversement de tendance quand on sait que, à partir du milieu du XXème siècle, c’est le mouvement inverse qui s’opérait avec un continent nord-américain importateur d’hydrocarbures de la péninsule. Plus récemment, à partir des années 2000, les Etats-Unis ont pratiquement réduit à zéro leurs achats de pétrole et de gaz en provenance des pays du Golfe tandis que ces derniers expédiaient leurs cargaisons vers l’Asie. A court terme, et si le développement du gaz de schiste ne s’interrompt pas (une bulle financière s’est formée autour de ce secteur), les rôles seront donc inversés.

Bien entendu, cela ne doit pas faire oublier que les pays du Golfe possèdent d’importantes réserves de gaz naturel mais ces dernières ne sont pas mises en valeur et il faudrait plusieurs années pour que cela soit le cas. Aujourd’hui, la Fédération des Emirats est obligée d’importer du gaz du Qatar. De même, la perspective d’une levée des sanctions contre l’Iran remet au goût du jour plusieurs projets énergétiques dont la construction d’un gazoduc entre l’ouest iranien et l’émirat d’Abou Dhabi. Mais, confrontés à une hausse de la consommation électrique, qu’il s’agisse de celles des foyers ou de l’industrie de l’aluminium, les Emirats ne veulent pas dépendre d’un seul fournisseur, surtout s’il s’agit d’un voisin encombrant comme l’Iran ou d’un rival régional comme le Qatar. Du coup, émerge l’idée d’aller investir plusieurs milliards de dollars aux Etats-Unis et au Canada pour importer de 5 à 10% des quantités de gaz nécessaire à sa propre consommation.

Le nucléaire renforcé

Cette problématique renforce l’hypothèse d’un développement à moyen terme de l’énergie nucléaire civile dans le Golfe. On le sait, les Emirats sont déjà bien avancés en la matière et l’Arabie Saoudite devrait elle aussi lancer concrètement un projet de grande envergure cette année. Ryad envisage en effet la construction de 16 réacteurs nucléaires soit un projet d’un montant total estimé entre 70 et 100 milliards de dollars. Un pactole qui fait saliver toute l’industrie nucléaire mondiale qui sait que le royaume est confronté lui aussi à une hausse permanente de sa consommation énergétique. 
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