Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

jeudi 31 octobre 2013

La chronique économique : Pétrole : l’exemple brésilien

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 30 octobre 2013
Akram Belkaïd, Paris

Toujours plus loin, toujours plus risqué et toujours plus onéreux. C’est la manière lapidaire avec laquelle on pourrait résumer le projet d’exploitation en eaux profondes du plus grand gisement pétrolier du Brésil. Situé à 180 kilomètres de côtes de l’Etat de Rio et à plus de 5.000 mètres de profondeur, le champ de Libra devrait entrer en production en 2020 après un investissement total record de 130 milliards de dollars. Selon les prévisions de Brasilia, cet immense réservoir d’une capacité de 12 milliards de barils devrait alors fournir 1,4 millions de barils par jour (mb/j) sur une durée de 5 ans. Pour mémoire, la production brésilienne de brut atteint aujourd’hui 2 mb/j, Libra devrait donc la faire passer à 3,4 mb/j soit un niveau supérieur à des pays comme le Koweït ou les Emirats arabes unis.

Défi technologique et union entre majors

Pour bon nombre d’observateurs, le projet Libra est un véritable cas d’école. D’abord, parce que l’exploitation offshore en eaux profondes est un immense défi technologique. Mais cela montre aussi que les frontières du possible sont sans cesse repoussées dès lors qu’il s’agit de récupérer de l’or noir. Il y a cinq ans encore, un tel chantier n’aurait pas été considéré comme viable et encore moins rentable et cela même si la compagnie brésilienne Petrobas s’est forgée une réputation d’excellence dans l’exploitation du pétrole sous-marin. Mais avec un baril à plus de 100 dollars, tout devient possible…

Ensuite, il y a le fait que l’exploitation de Libra se fera par un consortium qui regroupe de grands noms internationaux. Petrobras avec 40% des parts, Shell Brésil (20%), Total (20%) et les deux groupes chinois CNPC (10%) et CNOOC (10%) ont été choisis la semaine dernière au terme d’une mise aux enchères qui n’a duré que 3 minutes, ce consortium étant le seul en lice. Aujourd’hui, le pétrole facile d’accès est de plus en plus rare. Pour trouver du brut, il faut mobiliser beaucoup d’argent et donc les majors sont obligées de s’associer là où, il n’y a pas encore si longtemps, elles préféraient opérer seules.

Dans le même temps, Libra montre à d’autres pays producteurs, notamment l’Algérie, l’Arabie Saoudite ou même la Libye ou le Mexique, comment on peut ouvrir le secteur amont – c’est à dire celui de la production – tout en gardant un certain contrôle. Certes, des Brésiliens ont dénoncé une « privatisation déguisée » du pétrole brésilien et « une perte de souveraineté » mais les termes du contrat régissant le fonctionnement du consortium méritent l’attention. D’abord, Pétrobras obtiendra 41,6% du « profit oil », c’est à dire les quantités de brut qui resteront après déduction des coûts d’exploitation. Ensuite, ses partenaires lui ont payé une prime de 5 milliards de dollars pour être de l’aventure. Et enfin, le gouvernement brésilien pourra opposer son veto à n’importe quelle décision du consortium comme par exemple le souhait de l’un de ses membres de vendre sa participation à un autre opérateur.

Un monopole aménagé

La méthode brésilienne a été critiquée aux Etats-Unis où, cela ne surprendra personne, on aurait préféré que Brasilia accepte une ouverture totale de son secteur pétro-gazier. Or, l’exploitation à venir de Libra démontre qu’un pays peut consentir à alléger son monopole sur les hydrocarbures tout en gardant la main et le contrôle notamment en ce qui concerne ses revenus. Dans un contexte où de nombreux pays africains réfléchissent à de nouvelles législations sur leurs ressources naturelles – et cela souvent sous la pression des partenaires occidentaux et des grandes institutions internationales – le Brésil, en leader du Sud, semble vouloir montrer la voie.
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lundi 28 octobre 2013

Quand la Fondation Schuman veut envoyer la marine européenne dans les eaux territoriales du Maghreb

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Conditionner l’aide financière au Maghreb à la lutte contre l’immigration clandestine et, au besoin, permettre aux navires européens de patrouiller dans les eaux territoriales des pays du sud de la Méditerranée : voici les propositions de Jean-Dominique Giuliani, le président de la Fondation Robert Schuman, présentées dans un texte des plus nauséabonds publié dans le quotidien Le Monde (*). Pour mémoire, le 3 octobre dernier, un naufrage de migrants au large de l’île de Lampedusa a fait 363 morts dont 16 enfants. Quelques jours plus tard, dans la nuit du 11 au 12octobre, un nouveau drame a provoqué le décès par noyade de 50 personnes. Des événements qui poussent aujourd’hui l’Europe à réfléchir à de nouvelles mesures pour empêcher de nouvelles catastrophes. Mais pour Giuliani, la Commission européenne se trompe de solution quand elle envisage d’organiser une « vaste opération de sauvetage ». Pourquoi donc ? Parce que, explique le Président de la Fondation Schuman, « dès qu’apparaît un navire européen, les clandestins se sabordent, car l’obligation juridique d’assistance à personne en danger est chez nous (les Européens) naturellement appliquée ». 

Donc, à en croire Giuliani, il ne faudrait pas essayer de sauver les migrants puisque ces derniers seraient prompts à prendre le risque de se noyer à la vue de la moindre proue ! Ou peut-être faudrait-il les secourir par surprise en ne leur laissant pas le temps de se saborder… Ce qui choque dans ce propos, c’est que celui qui le tient fait mine d’oublier que des milliers de naufrages ont eu lieu loin de tout regard sans qu’un seul bateau européen (« de chez lui » faudrait-il peut-être écrire…) ne soit dans les parages. Depuis 1988, et selon les estimations du site Fortress Europe, 19 372 migrants sont décédés, d’autres comptages avançant le chiffre accablant de 60 000 personnes. Il faudrait expliquer à Jean-Dominique Giuliani que ces gens méritaient tous les efforts possibles pour être sauvés et que sa réserve sur le plan de sauvetage européen ne tient absolument pas la route car les témoignages de nombreux migrants sont catégoriques : nombre de bateaux, y compris européens, passent et ne font rien pour eux. Pire, il est arrivé que des embarcations de migrants soient éperonnées par des bateaux qui ont poursuivi leur route.

Le Président de la Fondation Robert Schuman distribue ensuite les bons points. Selon lui, le Maroc et l’Algérie lutteraient efficacement contre l’immigration clandestine mais pas la Tunisie et la Libye. Et donc, écrit-il, « l’aide au développement européen à ces Etats doit être conditionnée à un véritable engagement de leur part dans la lutte contre l’immigration clandestine et ses réseaux criminels ». Transmis aux Tunisiens dont le pays se débat dans une situation post-révolutionnaire des plus inquiétantes avec une économie en berne et des régions défavorisées qui attendent toujours des investissements et des infrastructures. Transmis aussi aux Libyens dont le pays est en proie à un chaos politique et sécuritaire. Et quand Giuiani évoque « des patrouilles maritimes communes » entre Européens et pays maghrébins concernés, c’est pour vite reconnaître que, d'abord, ces derniers pourraient refuser et, ensuite, que les institutions européennes ne sont guère susceptibles de conditionner leur aide au développement.

C’est alors que le président du conseil d'administration de la Fondation Robert Schuman livre le fond de sa pensée. Il faudrait, explique-t-il, une « coalition d’Etats volontaires » pour lutter contre les départs de migrants. La France, l’Italie, Malte et d’autres partenaires bénéficieraient ainsi d’une légitimité « consacrée par un mandat international donné par l’ONU (…) pour patrouiller dans les eaux territoriales des Etats qui ne sont pas capables d’en assurer la sécurité ». On y est ! La canonnière pour sauver le migrant ou quand la Fondation Robert Schuman se convertit aux thèses néoconservatrices… De cette institution qui prétend haut porter le flambeau européen, on était en droit d’attendre un autre texte comme par exemple une réflexion sur l’absence d’une vraie politique européenne de co-prospérité à destination du sud de la Méditerranée. Sur l'absence de stratégie novatrice où serait banni le concept de « eux et nous » et reconnu celui de destin commun. Mais il est tellement plus facile en ces temps troublés de réveiller les vieilles rengaines coloniales…

(*) Contre l’immigration clandestine, il faut conditionner les aides au Maghreb, 23 octobre 2013.
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dimanche 27 octobre 2013

samedi 26 octobre 2013

Al Khareef 4 : confettis automnaux

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L'automne à Paris

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La chronique du blédard : La France et ses hystéries dilatoires

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 24 octobre 2013
Akram Belkaïd, Paris
 
Un pays épié, des diplomates écoutés, des communications, sensibles, privées ou banales, massivement enregistrées, des comptes internet piratés… Dans un Etat qui se respecte, avec une presse à la fois professionnelle et consciente de son rôle, une opinion publique attentive, informée et mature, et, pour finir, une classe politique responsable et courageuse, un tel événement devrait provoquer une immense vague d’indignation avec moult protestations. Pourtant, il n’y a rien de tel qui se passe en France. Les révélations récentes concernant l’espionnage – c’est le mot qui convient – de ce pays par les Etats-Unis n’a guère provoqué de réactions si ce n’est celles, largement convenues, de quelques représentants des autorités françaises.
 
Un tel outrage devrait engendrer de l’émotion et de la colère. De la douleur même face à cette trahison que des esprits cyniques cherchent, par intérêt, à plat-ventrisme ou par lâcheté, à banaliser. Entendons-nous bien, il n’est pas question de regretter l’absence d’un embrasement de la rue française avec des manifestations hystériques et des bannières étoilées brûlées en place publique. Mais tout de même ! Cette affaire, ce n’est pas rien. Elle exige des débats, des prises de position politiques, des demandes d’explication, des promesses, sincères ou non, de punition et de représailles. Il faudrait des tables rondes, des émissions à des heures de grande écoute. En somme, une réprobation nationale qui, en d’autres temps aurait pu déboucher sur un appel à la mobilisation générale.
 
Au lieu de cela, l’opinion publique a droit à d’autres hystéries médiatiques. Récurrentes celles-là, à propos de l’islam, de l’immigration et, souvent, des deux à la fois. Matin, midi et soir, il n’a été question que de la pauvre Leonarda Dibrani, cette pauvre collégienne kosovare expulsée avec sa famille après avoir été embarquée lors d’une sortie scolaire. Bien sûr, cette histoire est terrible mais son ultra-médiatisation est pour le moins étonnante. Tous les jours, des dizaines de personnes, des familles, sont reconduites aux frontières, souvent dans des conditions indignes d’un pays qui se prétend être la patrie des droits de l’homme. Tous les jours, des drames se déroulent dans les centres de transit ou de rétention. Les médias qui en parlent sont rares et aucun ne le fait en boucle.
 
Or, au lieu de parler des pratiques de la NSA et de ses outils de Big Brother, les médias français ont saturé colonnes, images et ondes avec le cas Dibrani au point même de nous faire croire que cela pouvait faire tomber le gouvernement ou, du moins, précipiter un remaniement ministériel avec une grave crise de la majorité dite socialiste à la clé. Ce n’est pas nouveau, mais ce genre de polémique, démontre encore que la France est minée par ses médias mais aussi par sa classe politique. Depuis la rentrée, pas un jour ou presque sans que l’on nous parle d’intégration en panne, d’islam ceci, d’islam cela. Pas un jour sans que l’on n’agite le chiffon rouge des flux migratoires non maîtrisés comme en témoigne la dernière sortie du pathétique Copé qui veut abroger le droit du sol. Or, l’espionnage de la NSA a été révélé au grand jour au début de l’été sans que cela ne génère le moindre affolement journalistique. Que pensent les entreprises françaises de haute technologie qui savent aujourd’hui que leurs échanges internes ont été interceptés ? Que pensent les diplomates français dont les mémos et autres documents sensibles ont été captés avec, visiblement, la complicité active des géants étasuniens du net ?
 
Oui, le système médiatique français est bien malade et il est toujours étonnant de le voir se poser en référence notamment vis-à-vis d’autres pays francophones. Ce système, notamment sa composante la plus influente qu’est la télévision, est peuplé de nuisibles dont la conviction est que c’est la courbe de l’audimat qui détermine la compétence. « Je n’ai pas la télévision » est une phrase qu’aiment à prononcer nombre de Parisiens ce qui fait toujours sourire le présent chroniqueur. Mais force est de constater qu’il y a là de la mesure prophylactique car l’esprit civique et l’hygiène mentale commandent d’éviter les « talk-show » et autres émissions peuplées de chroniqueurs déblatérant sur n’importe quel sujet et ayant érigé la vacuité et la méchanceté gratuite en mode de pensée. Ces spécialistes du tout et du rien ne peuvent-ils s’interrompre de temps à autre pour se mettre au travail ?
 
A quoi reconnaît-on qu’un système donné est proche de la rupture ? L’un des symptômes annonciateurs de la cassure définitive est la multiplication des crises et, plus encore, leur proximité dans le temps. Cela vaut pour les marchés financiers qui nous préparent déjà de nouvelles catastrophes. Cela vaut aussi pour le couple politico-médiatique devenu spécialiste en hystéries dilatoires tandis qu’il demeure incapable de prendre la mesure des grands enjeux et défis du moment. Demain, une femme en hidjab donnera un coup de pied à un caniche. Cela provoquera une centaine de unes de journaux, des sujets spéciaux en ouverture des vingt-heures et quelques minables pugilats dans les émissions dites culturelles ou de société. Et, pendant ce temps-là, les vraies questions – chômage, changement climatique, état de l’environnement, éducation, maintien du service public – seront oubliées…
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jeudi 24 octobre 2013

Al Khareef 3

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L'automne à Paris
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Al Khareef 2

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L'automne à Paris
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Al Khareef 1

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L'automne à Paris.

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La chronique économique : Le yuan, référence montante

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 23 octobre 2013
Akram Belkaïd, Paris

La monnaie nationale chinoise, le renminbi (« monnaie du peuple »), que l’on désigne à l’étranger par son autre appellation, le yuan, a souvent fait parler d’elle à propos de sa parité controversée avec le dollar américain. On le sait, Washington a longtemps reproché à Pékin de maintenir artificiellement sa devise à des niveaux bas (par rapport au billet vert) afin de soutenir ses exportations (une monnaie faible permet de vendre plus à l’étranger). Ce débat n’a pas totalement disparu mais ce n’est plus lui qui fait l’actualité.

Une monnaie d’échange qui monte

Désormais, c’est la place du yuan dans les échanges internationaux qui mobilise l’attention. Au début des années 2000, cette monnaie n’existait pratiquement pas en tant que référence. Aujourd’hui, elle représente 16% des paiements dans le commerce extérieur chinois, cette proportion devant atteindre 30% d’ici à 2020. Cela signifie tout simplement que les partenaires commerciaux de la Chine libelleront de moins en moins leurs échanges en dollars ou en euros mais qu’ils achèteront et vendront en Chine contre des yuans.

Cela signifie aussi que la monnaie chinoise va de plus en plus être traitée par les marchés des changes et cela même si sa convertibilité n’est pas encore totale (les autorités continuent à agir de manière directe sur sa valeur contrairement à ce qui est le cas pour le dollar, l’euro, le yen ou d’autres devises convertibles comme le won coréen ou le dollar canadien). En 2004, le yuan pointait à la 35ème place en terme de monnaies échangées. Aujourd’hui, il pointe à la 10ème et de nombreux cambistes s’attendent à ce qu’il rentre dans le « top 5 » d’ici 2020.

Preuve de cet essor, une trentaine de pays a d’ores et déjà décidé de passer des accords avec la Chine pour libeller une partie des importations ou exportations avec la Chine en yuan. Parmi eux, on compte la Turquie, le Chili, le Nigéria et la Thaïlande. Il y a une semaine, la Banque centrale européenne (BCE) et la Banque populaire de Chine (PBoC) ont mis en place un échange de devises (« swap ») d’un montant de 45 milliards d’euros (350 milliards de yuans). Cet accord permettra donc aux opérateurs européens de payer leurs opérations de commerce dans la devise chinoise. Dans le même temps, les places de Paris et de Londres sont bien décidées à devenir le premier centre européen pour les opérations de change sur le yuan. Visas facilités pour les ressortissants chinois, relèvement des plafonds autorisés en matière de transferts bancaires : les deux capitales rivalisent en initiatives pour capter les flux monétaires en yuans et leur bataille ne fait que commencer.

Mais toujours pas une monnaie de réserve

Mais si le yuan est désormais une monnaie d’échange, il lui reste un long chemin à parcourir avant d’atteindre le statut de devise de réserve à l’image du dollar, de l’euro ou du franc suisse. A ce jour, le billet vert compte pour 63% des dépôts des Banques centrales contre à peine 1% pour le yuan. Les récentes péripéties sur le plafond de la dette américaine et la paralysie de l’appareil fédéral (« shutdown) n’ont guère changé les choses. Quand il s’agit de mettre de côté son épargne, le monde continue de miser sur le dollar, étant persuadé que l’Etat le plus sûr – c’est à dire celui qui, entre autres, ne fera jamais faillite – demeure les Etats-Unis et pas la Chine.

mercredi 16 octobre 2013

19 novembre 2013 : L'Algérie et la France, en route vers le Brésil ?

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19 novembre 2013 : l'Algérie et la France en route pour le mondial. Comme le 18 novembre 2009 ?

 
C’est un amusant clin d’œil de l’histoire…
En 2009, c’est un certain 18 novembre que les équipes de football d’Algérie et de France ont obtenu, séparément, leur ticket pour le mondial en Afrique du sud.  On se souvient du fameux match barrage entre l’Algérie et l’Egypte (1-0 pour les Verts) à Oumdourman au Soudan et du contexte de guerre médiatique algéro-égyptienne dans lequel il s’est déroulé. Le même jour, deux heures après le coup de sifflet final au Soudan, l’équipe de France se qualifiait elle aussi en faisant match nul au Stade de France avec l’Eire (1-1 à Paris après une victoire française 1-0 à Dublin). 
Un match, là encore, qui est resté dans les mémoires avec la main honteuse de Thierry Henri grâce à laquelle les Bleus avaient réussi à égaliser durant les prolongations (l’Irlande menait alors 1-0). Dans les villes et banlieues de France, on avait assisté alors à une double fête, drapeaux français et algériens étant mêlés dans une même joie (au grand soulagement des autorités françaises qui craignaient, pour l’ordre public, le scénario d’une qualification de la France et d’une élimination de l’Algérie).
Quatre ans plus tard, les deux équipes vont de nouveau jouer leur qualification pour le Brésil le même mois, le même jour (19 novembre) et presque à la même date qu’en 2009 (à un jour près). A Blida, l’Algérie sera opposée au Burkina Faso (2-3 à l’aller). Quant à la France, elle jouera son barrage retour contre un adversaire qui sera désigné la semaine prochaine (l’aller aura lieu le 15 novembre).
 L’Algérie et la France... Deux matchs de qualification pour la Coupe du monde au Brésil qui se dérouleront en même temps. Vera-t-on se répéter la belle histoire de 2009 ? Le 19 novembre prochain risque d’être chaud. Très très chaud…

MISE À JOUR, le 20 novembre 2013 : C'est fait, les deux équipes se sont qualifiées pour le mondial brésilien.
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samedi 12 octobre 2013

La chronique du blédard : Une singularité tunisienne

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 10 octobre 2013
Akram Belkaïd, Paris
 
Il est encore trop tôt pour affirmer que la Tunisie est sortie de la crise institutionnelle qui la paralyse depuis plusieurs mois mais l’évolution récente de la situation est des plus encourageantes. Après de nombreuses tergiversations, Ennahda a finalement accepté la possibilité de quitter prochainement le pouvoir pour permettre la mise en place d’un gouvernement composé de personnalités indépendantes. Certes, le parti islamiste a posé un grand nombre de conditions et le calendrier de cette recomposition annoncée est encore flou. Mais il faut tout de même relever que cette acceptation de la formation de Rached Ghanouchi de céder la place – fusse de manière momentanée – est un événement des plus importants dans un monde arabe où les alternances politiques se passent rarement de manière pacifique. On pense notamment au cas égyptien où l’armée continue de tirer à balles réelles contre les partisans de l’ex-président Morsi et cela avec l’apparente bénédiction des chancelleries occidentales.

Vues de Tunisie, les négociations qui se déroulent actuellement au nom du « dialogue national » sont désespérantes. Engagées entre une vingtaine de partis sous la houlette de quatre grandes organisations (*), ces tractations traînent en longueur et donnent lieu à de nombreuses manœuvres dilatoires qui frisent parfois le ridicule quand elles ne témoignent pas d’un manque patent de maturité. Il est évident que certains élus d’Ennahda n’ont pas envie d’abandonner la place, estimant qu’ils sont détenteurs de la légitimité populaire, un argument qui passe de moins en moins auprès d’une population qui réclame à la fois « sa » Constitution et de nouvelles élections. D’autres députés, toutes couleurs confondues, multiplient les entraves pour empêcher coûte que coûte la dissolution de l’Assemblée constituante avant le 23 octobre prochain, c’est-à-dire la date anniversaire (c’était en 2011) du jour où des millions de Tunisiens ont, pour la première fois dans leur histoire, désigné librement leurs représentants.

 
A ce sujet, on prétend à Tunis que ces élus savent qu’il leur faut accomplir un mandat d’au moins deux ans pour bénéficier d’une retraite à vie… Ces arguties, les exigences de dernière minute, les arrière-pensées, y compris celles du « président » Moncef Marzouki qui, visiblement, se verrait bien rempiler, la réapparition d’anciennes figures de l’ex-Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti au pouvoir sous Ben Ali et aujourd’hui dissous ; tout cela a provoqué un sentiment d’exaspération mais aussi d’indifférence croissante chez de nombreux Tunisiens. « Qu’ils s’entendent entre eux », est une phrase qui revient souvent et qui montre que la ferveur euphorique des premiers temps de la révolution a bel et bien disparu.

Mais vues de l’extérieur, ces péripéties ne peuvent cacher une réalité bien plus positive qu’il n’y paraît. Malgré ce qu’annoncent les Cassandres de tous bords, les Tunisiens semblent décidés à trouver une solution consensuelle et leur « dialogue national » n’est pas une mise en scène formelle. On le sait, trop de pays arabes, et l’Algérie en a fait partie, se sont engagés un jour dans des processus de « dialogue » qui, en réalité, ne visaient qu’à masquer une situation conflictuelle et une logique d’affrontement pour ne pas dire de guerre civile. « La Tunisie est une île »… Cette formule souvent entendue prend ici toute sa dimension, les « insulaires » finissant toujours par s’entendre, du moins par être capables de trouver un terrain d’entente. Le traumatisme, l’indignation et la colère engendrés par l’assassinat de Chokri Belaïd puis celui de Mohamed Brahmi ont aussi beaucoup pesé dans la recherche d’une solution pacifique.

Bien entendu, la situation est loin d’être réglée. La Tunisie attend toujours une nouvelle Constitution et, surtout, un code électoral accepté par toutes les forces politiques. Car les élections à venir sont le véritable enjeu des joutes actuelles. En acceptant de quitter le pouvoir, et donc en prenant le risque de mécontenter une base travaillée par le salafisme et les idées radicales, la direction d’Ennahda ne fait pas uniquement preuve d’altruisme ou, pour reprendre les termes de l’un de ses dirigeants, de sens de la responsabilité. En réalité, le parti islamiste est bel et bien conscient de son impopularité croissante et de son incapacité à régler les problèmes, notamment économiques et sociaux auxquels la population est confrontée. D’ailleurs, diverses projections électorales circulent à Tunis et toutes entérinent le fait qu’Ennahda serait incapable de renouveler son score d’octobre 2011.

 
Certains spécialistes – peut-être induits en erreur par leur détestation du parti religieux – affirment même que les nahdaouis seraient battus à plate-couture. En se retirant du gouvernement – après avoir pris quelques précautions comme le fait d’avoir placé des hommes sûrs dans l’administration – Ennahda se ménage donc la possibilité d’un retour triomphal aux affaires puisque ses responsables parient sur un échec et une impopularité certaine de la prochaine équipe ministérielle. On le comprend, cette stratégie est d’ores et déjà décriée par d’autres partis qui accusent les islamistes de duplicité. Reste que cette bataille, somme toute normale, empêche les Tunisiens de réaliser que leur pays est en train de réaliser le plus difficile : sortir avec le minimum de dégâts de la deuxième phase d’une transition qui est loin d’être terminée (**).

(*) L’union générale tunisienne du travail (UGTT), l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (UTICA, patronat), l’Ordre national des avocats de Tunisie (ONAT) et la Ligue tunisienne des droits de l’homme (LTDH).

(**) On peut considérer que la première phase de la transition s’est déroulée entre la chute de Ben Ali et le vote pour l’Assemblée constituante le 23 octobre 2011.
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jeudi 10 octobre 2013

La chronique économique : Pemex, l’autre Sonatrach

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 9 octobre 2013 
Akram Belkaïd, Paris

Voilà une situation qui devrait « parler » aux Algériens, du moins leur paraître familière. Au Mexique, pays producteur de pétrole, la compagnie nationale Petroleos Mexicanos (Pemex), la « Sonatrach » mexicaine, est en proie aux doutes et aux polémiques. Certes, il n’y a pas d’affaires judiciaires de type Pemex 1, 2 ou autre, mais l’avenir de cette compagnie, la septième mondiale et véritable symbole de la souveraineté nationale, fait l'objet de discussions récurrentes et passionnées.
 
Une compagnie en déclin
 
Récemment élu, le président Enrique Pena Nieto veut réformer le secteur des hydrocarbures en ouvrant aux investisseurs privés le monopole public sur le pétrole, le gaz naturel et l’électricité. Un projet qui fait hurler de colère l’opposition laquelle dénonce une « privatisation » inacceptable. Il faut dire que, depuis la nationalisation de 1938, le monopole de Pemex est inscrit dans deux articles de la Constitution. Ainsi, le Mexique est-il le pays le plus protectionniste en matière d’exploitation des hydrocarbures. Bien plus que l’Arabie Saoudite, l’Algérie ou même le Venezuela.
 
Pour autant, les arguments avancés par Nieto ne manquent pas de pertinence car Pemex est une compagnie à bout de souffle. Vampirisée par l’Etat qui prélève 67% de ses bénéfices (soit le tiers du budget mexicain), elle a enregistré des pertes cumulées de 30 milliards de dollars depuis 2008. Un comble pour une entreprise dont le chiffre d’affaires est de 100 milliards de dollars et dont les réserves sont estimées à 115 milliards de barils. Plus grave encore, faute d’investissements pour la moderniser et lui permettre de faire de nouvelles découvertes, Pemex voit sa production décliner, étant passée de 3,4 millions de barils par jour (mbj) en 2004 à 2,5 mbj en 2012.
 
Confronté à des difficultés budgétaires récurrentes, l’Etat mexicain cherche donc le moyen d’augmenter la production pétrolière et gazière en faisant appel aux entreprises étrangères qui attendent cela depuis des décennies à commencer par celles du grand voisin étasunien. Mais il s’agira toutefois d’une ouverture a minima puisque Mexico n’envisage pas des partages de production (cas où les compagnies étrangères peuvent commercialiser en direct les hydrocarbures qu’elles exploitent) mais des partages de bénéfice ce qui implique que Pemex gardera la main sur la commercialisation. Enrique Pena Nieto est donc en droit d’affirmer qu’il n’y aura pas de privatisation proprement dite du pétrole mexicain mais cela ne convainc personne et son projet de révision de la Constitution risque fort d’être remisé tant les esprits s’échauffent sur cette question.

« Reforma si, privatizacion no »

 Un autre élément qui intéressera les Algériens concerne l’opinion des Mexicains sur cette affaire. En effet, les sondages réalisés sur la question de l’avenir de Pemex sont pour le moins étonnants. Les Mexicains considèrent ainsi que la compagnie pétrolière publique est corrompue, inefficace et qu’elle emploie une armada de privilégiés défendus par des syndicats égoïstes. 53% des Mexicains sont donc pour une réforme profonde de Pemex mais, dans le même temps, 61% d’entre eux sont contre la moindre ouverture au secteur privé. « Reforma si, privatizacion no » : en clair, les Mexicains ne veulent pas du « moins d’Etat » dans le pétrole, ils exigent du « mieux d’Etat ». Un souhait que les Algériens, toujours très pointilleux sur les questions de souveraineté nationale et de contrôle des richesses du pays, doivent certainement comprendre et partager…
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lundi 7 octobre 2013

Les Maronniers, du côté de Ménilmontant

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C'est, dit-on, l'un des plus anciens restaurants de l'émigration algérienne à Paris puisque son histoire remonte à 1929 quand il fut acheté par un kabyle.
Aujourd'hui, l'endroit a été rénové mais c'est toujours un rendez-vous pour les enfants de Tamurt Leqvayel venus manger un couscous ou un tikerbabine.
Il y a aussi une bibliothèque en libre-échange. On trouve un livre, on le prend, on le lit, on le ramène.
Rien n'interdit aussi d'offrir un ouvrage qu'on aimerait voir lu par d'autres.
Le mercredi après-midi, c'est le rendez-vous avec l'écrivain public adossé à son pupitre donnant sur la rue.
Envie d'aller y faire un tour ? C'est au restaurant Les Maronniers, rue des Maronites dans le 20ème arrondissement parisien.
Et vous y trouverez, s'il n'a pas encore été emprunté, un exemplaire de Retours en Algérie...


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dimanche 6 octobre 2013

Kechiche, Seydoux et le métier d'actrice

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Palme d'or au Festival de Cannes 2013 pour "la Vie d'Adèle", Abdellatif Kechiche a été par la suite durement attaqué par Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos, les deux principales actrices de son film. Ces dernières l'ont accusé de mauvais traitements, le terme "tortionnaire" ayant même été prononcé à plusieurs reprises en référence à des scènes de sexe jugées particulièrement éprouvantes. Cela sans oublier les mises en cause par des techniciens ayant dénoncé les conditions de travail sur le tournage.

Le cinéaste franco-tunisien est longtemps resté silencieux et vient juste de faire une première réponse à ces accusations dans un entretien accordé au Nouvel Observateur (*). Une réponse des plus cinglantes à l'encontre de Léa Seydoux, qui, il faut le rappeler, est la petite-fille de Jérôme Seydoux, le président de Pathé.

"Adèle n'a rien dit [de moi] qui m'ait heurté, mais j'ai été très choqué par les déclarations de Léa. Je n'ai pas compris", a indiqué Kechiche qui adresse sa première flèche : "L'explication heureuse [à ces critiques] serait que le film a réveillé en elle des pulsions qu'elle ignorait et qu'elle souhaite maintenant oublier".

Dans la foulée, le cinéaste laisse entrevoir d'autres motifs, qui relèveraient peut-être d'un racisme, au moins social, qui ne dirait pas son nom : "Léa appartient à un monde qui n'est pas le mien, et pas non plus celui d'Adèle", relève-t-il sans donner plus de détails, cette différence d'appartenance expliquant peut-être, selon lui, des "motivations plus sombres" de l'actrice.

Mais, au-delà de cette explication, c'est le jugement de Kechiche sur le jeu de Léa Seydoux qui mérite l'attention :
"J'ai eu du mal à obtenir de Léa ce que j'attends d'une actrice. Je recherche l'incarnation, pas la démonstration, et je ne supporte pas les mimiques, les moues, les poses, les attitudes de femmes mystérieuses (...) pour elle l'interprétation passe par des ficelles, des trucs. Pour signifier l'étonnement, par exemple, elle écarquille les yeux".

Voilà donc l'actrice habillée pour l'hiver. Pour autant, le propos de Kechiche sonne vrai. Cette superficialité et ce manque de fond masqué par des attitudes vaporeuses et ambiguës sont des travers répandus chez les actrices françaises. Et Kechiche aurait pu ajouter aussi des dictions imparfaites pour ne pas dire vulgaires.

Pour finir, on prendra le temps de réfléchir à propos de l'opposition entre "incarnation" et "démonstration". Vieux débat auquel n'importe quel acteur est tôt ou tard confronté. Faut-il être, ou du moins essayer d'être, ou bien alors faut-il juste faire semblant d'être ? Bien entendu, il n'y a pas de réponse définitive mais, dans les deux cas, il faut savoir bien le faire...

(*) Après la palme, les horreurs, 3 octobre 2013
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samedi 5 octobre 2013

La chronique du blédard : Que vaut la vie d’un Népalais travaillant au Qatar ?

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 3 octobre 2013
Akram Belkaïd, Paris

 
Il s’appelait Ganesh Bishwakarma. Il avait seize ans et, comme 43 de ses compatriotes népalais, il est mort l’été dernier sur le chantier de construction du futur centre urbain de Lusail au Qatar (ce qui donne en moyenne un décès par jour). Selon The Guardian, qui a enquêté sur les conditions de vie déplorables des migrants asiatiques dans l’émirat, Ganesh a été emporté par une crise cardiaque, là aussi comme nombre d’autres victimes ayant été obligées de travailler par des températures extrêmes. Les révélations du quotidien britannique ont fait le tour du globe et relancé les polémiques à propos du maintien ou non de l’organisation de la Coupe du monde de football de 2022 au Qatar.
 
A dire vrai, pour qui s’intéresse à la région, ces informations ne sont guère surprenantes. Dans les pays du Golfe, la main d’œuvre étrangère, surtout celle en provenance du sous-continent indien, n’a guère de droits et la communauté internationale feint à chaque fois de s’émouvoir d’une situation scandaleuse qui dure depuis au moins quatre décennies. Ganesh Bishwakarma s’est endetté à des taux d’usurier pour pouvoir quitter son village et trouver un travail au Qatar. Comme des milliers de migrants, il a certainement été victime de ces agences de « maning », dont l’activité est de rabattre de la main-d’œuvre vers le Golfe en lui faisant miroiter monts et merveilles. Hélas, la réalité qui a été la sienne durant deux mois avant qu’il ne meure est bien différente.
 
Travailler sous cinquante degrés à l’ombre sans pouvoir boire, souvent avec le ventre vide. Vivre à vingt dans un taudis infesté de cafards et de rats. Se voir confisquer son passeport par son employeur et n’avoir ni le droit de changer de travail ni celui de quitter le pays sans son autorisation. Attendre des semaines voire des mois avant d’être payé et constater alors que son salaire n’est pas celui qui a été promis par le recruteur ou qu’il a été diminué pour des motifs fallacieux. Vivre avec la crainte d’être expulsé et de revenir au pays les poches vides et faire ainsi honte à sa famille qui s’est sacrifiée pour payer le voyage. Etre battu par des contremaîtres, parfois des compatriotes, sans pouvoir se défendre ni porter plainte. Ne pas avoir le droit de faire grève pour défendre ses droits. Vivre dans la merde et la crasse tout en travaillant à ériger des constructions somptueuses et clinquantes. Voilà ce qu’est le quotidien de centaines de milliers de Ganesh Bishwakarma soumis à ce qui n’est ni plus ni moins qu’un travail forcé, autrement dit une forme d’esclavage moderne dénoncée régulièrement par les organisations internationales de défense des droits de la personne humaine.
 
Les défenseurs du Qatar, et ils sont nombreux, s’empressent de faire le parallèle avec la situation du bâtiment en Europe ou ailleurs. Il est vrai que toute phase d’expansion économique a son revers sombre. La France des « trente glorieuses » et sa forte croissance a aussi été celle des bidonvilles. Aujourd’hui encore, il suffit d’observer un chantier de construction dans Paris et ses environs pour comprendre que la situation est loin d’être parfaite. Travailleurs employés au noir, sécurité déficiente, cadences difficiles à suivre : tout cela mérite aussi d’être dénoncé et combattu. Mais cela rien n’à voir avec l’ignominie que subissent les migrants asiatiques dans le Golfe. Car, là-bas, il n’y a ni syndicats ni sociétés civiles capables de faire pression sur les employeurs et leurs sous-traitants (comme toujours, les premiers feignent l’ignorance et se défaussent sur les seconds). Car, là-bas, il n’y a pas d’intégration possible, pas de regroupement familial et certainement pas les mêmes droits, notamment sociaux, que les nationaux.
 
En se portant candidat à l’organisation du mondial 2022, le Qatar a visiblement sous-estimé le fait que cela attirerait fatalement sur lui des regards indiscrets et inquisiteurs. Déjà, la Confédération syndicale internationale (CSI) avertit que les travaux gigantesques pour cette compétition (ils n’ont pas encore débuté) – soit un investissement global de 150 à 200 milliards de dollars – pourraient provoquer quatre mille décès sur les chantiers, cela si l’on se base sur le taux de mortalité actuel sur les grands sites de construction au Qatar. D’un côté, quatre mille damnés de la terre venus offrir leurs bras pour faire sortir leur famille de la misère, de l’autre 150 milliards de dollars… On devine vers où les intérêts globaux vont pencher. Que pèsent 4.000 Népalais, Bangladais, Indiens ou Pakistanais devant ces « billions of dollars » ? Dans le questionnaire adressé par The Guardian aux autorités du Qatar, l’une des questions concerne les raisons du nombre important de travailleurs népalais morts d’une crise cardiaque durant l’été. « Une question qu’il aurait été plus pertinent de poser aux autorités sanitaires compétentes du Népal » a répondu Doha. No comment
 
Ces dernières semaines, le monde du football s’est inquiété des effets dévastateurs que pourraient avoir la chaleur et la forte humidité sur les participants au mondial 2022. Des discussions divisent la Fédération internationale de football (FIFA) à propos d’un éventuel décalage de la compétition (qui s’est toujours tenue au moment de l’été dans l’hémisphère nord) à l’hiver 2021 ou 2022. A l’inverse, et c’est là toute l’indécence de la situation, le sort des travailleurs étrangers commence à peine à être évoqué. D’ores et déjà, le Qatar promet de faire des efforts et ne ménage pas sa peine en matière de communication. Il faut dire que ses difficultés actuelles font le bonheur de légions de consultants en relations publiques. A cela, il faut ajouter les foules d’obligés qui doivent la reconnaissance du ventre et du pétro-billet (ou gazo-billet) à l’émirat. D’éminentes personnalités des arts et de la science, des chercheurs auto-auréolés d’intégrité, nous expliquent déjà que les attaques contre le Qatar relèvent du racisme anti-arabe. Quoi de plus normal pour eux. Habitués aux palaces rutilants de Doha, ils n’ont jamais pris la peine d’aller voir où et comment vivaient les Ganesh Bishwakarma qui portent leurs valises ou nettoient leurs belles chambres…
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vendredi 4 octobre 2013

La chronique économique : Les x-nomics

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 2 octobre 2013
Akram Belkaïd, Paris

Connaissez-vous les « abenomics » ? Ce terme est aujourd’hui omniprésent dans la presse spécialisée dès lors qu’il s’agit du Japon. Pour être plus précis, c’est un mot-valise qui désigne les principales orientations de la politique économique appliquée par le Premier ministre japonais Shinzo Abe depuis son retour au pouvoir en décembre 2012. De quoi s’agit-il ? C’est un cocktail qui mêle plan de relance avec un assouplissement monétaire (maintien à un niveau bas des taux d’intérêts) le tout adossé à une nouvelle stratégie de croissance où un yen faible dope les exportations. Dans le même temps, Shinzo Abe tente de relancer la consommation par une hausse des salaires tandis que l’augmentation prévue de la taxe sur la valeur ajoutée (tva) a été moins importante que prévu pour ne pas briser la timide reprise de l’activité.

De Reagan à Thaksin

A force d’être martelées, expliquées, décortiquées, les grandes lignes de la politique économique d’Abe ont donc mérité le label « nomics ». Il faut bien comprendre qu’il ne s’agit pas d’un jugement de valeur ou d’une quelconque forme de validation mais juste d’un constat selon lequel la dite politique est cohérente et, surtout, qu’elle est concrète. Le premier homme politique à avoir bénéficié de cette catégorisation est bien entendu Ronald Reagan, président des Etats-Unis de 1980 à 1988. Concoctés par l’économiste Milton Friedman, les « reaganomics » ont façonné nombre de programmes économiques dans les années 1980 et 1990 et continuent d’ailleurs d’influencer les doctrines de la majorité des institutions financières. Réduction des dépenses publiques, réduction des impôts, dérégulation et, enfin, recours à la politique monétaire pour combattre l’inflation : voilà ce que furent les quatre piliers des « reaganomics ». On sait que l’ancien acteur devenu président s’est fortement inspiré de la ligne économique suivie par Margaret Thatcher. Mais, pour cette dernière, il n’a (presque) jamais été question de « thatchernomics ». En effet, on parlait plus de Thatcherisme, ce « isme » tendant à prouver que l’influence de la dame de fer a été le socle majeur et prépondérant de toutes les politiques néolibérales.

D’autres responsables ont eu droit eux aussi à leur « nomics ». Certains sont plus ou moins oubliés à l’image de Roger Douglass, ministre néo-zélandais des finances (1984-1990). Appartenant au Parti travailliste, il a tout de même mis en place des mesures libérales – les « rogernomics » - avec des privatisations, une baisse des subventions et un soutien au libre-échange commercial. A l’opposé, les « thaksinomics » du Premier ministre thaïlandais Thaksin Shinawatra (2001-2006) étaient un mélange de relance keynésienne destinée à définitivement effacer les effets de la crise asiatique de 1997 (grands travaux, soutiens à la consommation, aides au monde rural avec un moratoire sur certaines dettes) le tout mâtiné de quelques privatisations pour ne pas trop fâcher le Fonds monétaire international (FMI). Enfin, Bill Clinton est le dernier président américain dont la politique économique a été jugé suffisamment consistante pour être appelée « clintonomics » : discipline budgétaire pour réduire les déficits, taux d’intérêts bas, soutien au libre-échangisme et développement des marchés financiers, notamment par la dérégulation, en ont été les grandes orientations (inspirées, entre autre, par Robert Rubin et Lawrence Summers). A l’inverse, l’expression « obamanomics » est à prendre avec des pincettes, ayant été utilisées par les républicains pour en moquer le manque de consistance et pour faire la rime avec « kremlinomics », une manière comme une autre de persuader l’électeur américain que Barack Obama n’est qu’un dangereux communiste…

Les « zéronomics »

Et l’Algérie dans tout ça ? Rentier incapable de diversifier son économie, il y a bien longtemps que ce pays n’a plus bénéficié de politique économique cohérente. Le terme n’existait pas dans les années 1970 mais l’on aurait peut-être pu parler de « boumenomics » voire d’« abdessnomics ». Une décennie plus tard, il aurait été possible, réformes obligent, d’évoquer les « hamrounomics ». Mais, depuis, plus rien. Car qui peut aujourd’hui trouver la moindre ligne directrice et la moindre logique rationnelle dans les semblants de politiques économiques suivies en Algérie depuis plus de vingt ans ? Peut-être, d’ailleurs, faudrait-il parler à ce sujet de « zéronomics »…
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