Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

samedi 28 septembre 2013

La chronique du blédard : Quand Idir parle et chante

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Deux rendez-vous pour la présentation de Retours en Algérie
 
- Mercredi 2 octobre à l'invitation de  l'Association culturelle berbère (ACB), soirée animée par Arezki Metref.
   19h, 37 bis rue des Maronites Paris 20ème - M° Ménilmontant - 01 43 58 23 25 - contact @acbparis.org
 
- Jeudi 3 octobre à l'invitation du Forum France Algérie, débat animé par Farid Yaker,
   A 18h30 au restaurant Ideles, 21 rue St-Nicolas 75012 Paris. Métro Ledru-Rollin.
   Entrée libre et possibilité de dîner sur place à partir de 20h (nombre de places limité)
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Le Quotidien d'Oran, jeudi 26 septembre 2013
Akram Belkaïd, Paris
 
On s'échappe avec soulagement du pavillon célébrant le Japon, ses rituels et ses gadgets tellement mimis, tellement fous, tellement troooop kawaïi (mignons) pour citer quelques exclamations entendues ci et là dans la bouche d'ados et d'adulescents. On y a feuilleté quelques mangas. On y a vu un gros thon rouge se faire découper en sushis comme à Tsukiji, le gigantesque marché aux poissons de Tokyo. On y a palpé et soupesé moult objets apportant chance et bonheur comme ces chouettes dorées ou ces chats assis qui lèvent les deux pattes, l'une pour attirer l'argent, l'autre les clients. Mais, pour cause de longue file d'attente, on a hélas renoncé à lamper un bol de ramen, ces nouilles qui baignent dans un chaud bouillon et qui sont peut-être ce que la culture chinoise a offert de mieux au Japon. Et, pour finir sur ce liminaire nippon, on n'a pas cessé de s'étonner devant le défilé des cosplay, ces jeunes filles aux tenues improbables et fantasques, se répétant à l'envi que Dieu crée ce qu'Il entend créer...

Nous voici donc marchant dans les allées du parc floral de Vincennes, jadis conçu - c'était dans les années 1960 - à l'image des jardins japonais. L'été indien est enfin là, avec sa lumière douce et ses senteurs apaisantes. On s'attarde dans le jardin insolite, on s'extasie devant les massifs de dahlias et d'iris. On caresse les fougères géantes et on repense aux confitures de l'enfance en passant sous les branches chargées et parfumées d'un cognassier. Un enchantement. Ouvrons ici une parenthèse pour relever que le manuel du journaliste déconseille l'usage de l'expression « été indien », lui préférant celle de « belle arrière-saison ». Voilà une recommandation que l'on se gardera bien de respecter ne serait-ce que par égard pour feu Joe Dassin, lequel n'a semble-t-il pas chanté son célèbre « été indien » en japonais alors qu'il l'a fait pour les « Champs Elysées » (peut-être lui était-il difficile de trouver l'équivalent du fameux « va-va-va » en japonais). Fin de la parenthèse.

C'est dans l'impressionnante pinède (des arbres hauts et effilés venus de Corse) que l'on entend au loin les premiers accords. Une guitare électrique. Une flûte. On se dit qu'un groupe nippon vient de débarquer de Shibuya mais l'air familier dissipe vite cette perception. Non, cette flûte qui monte haut, cette basse qui riffe, ce bendir, pardon cet adjoune, qui tonne et ces voix féminines qui montent aux aigus : tout cela ne peut venir que de chez nous. On s'approche à pas rapides. La petite esplanade de spectacle est déjà noire de monde et il faut se hisser sur la pointe des pieds pour apercevoir la scène. Oui, c'est bien lui.
Idir en personne. On était venu pour le Japon, on se retrouve en... Bon, il faut une nouvelle parenthèse : là, le présent chroniqueur hésite sur le mot à employer. En Algérie ? Les uns vont râler. En Kabylie ? Les autres en feront de même. En Berbérie ? Cela ne mettra personne d'accord. Alors va donc pour Algékabérie. Fin de la seconde parenthèse.

Sur scène, des jeunes brandissent un drapeau bleu, vert et jaune. « Ce n'est pas un message politique » prévient le chanteur. « C'est l'emblème d'une revendication culturelle. Celle d'un monde berbère qui refuse de disparaître ». Applaudissements et youyous ponctuent cette sortie. Des nipophiles qui passent à proximité s'arrêtent, se demandant qui est cette star qui déchaîne la foule. Certains décident de rester, s'asseyant sur la pelouse où des familles prennent déjà le goûter. C'est évident, l'ambiance berbéro-arabo-gauloise est bien plus chaude et conviviale que des déambulations entre des stands exposant des babioles et autres japonaiseries bien onéreuses.

Idir parle, les accords qu'il égrène lento suffisant à deviner la chanson qui arrive. Il évoque l'enfance, les gestes répétitifs d'une mère barattant le lait, rythmant son travail par des mots, des chants, des sourires ou parfois des pleurs et des soupirs. C'est un long hommage aux mères que prononce l'artiste. Aux mères d'ici et de là-bas, exhortant les présents à avoir dans leur tête, « une image claire, précise et lumineuse », de celle qui leur a donné la vie, qu'elle soit ou non de ce monde. Il y a alors des gorges qui se serrent et des paquets de mouchoir que l'on ouvre. Puis viennent les premières paroles d'ssendu, la calebasse qui donne le beurre tant désiré. Le soleil décline et sa lumière devient encore plus tendre. C'est juste un « perfect day » comme aurait pu le chanter Lou Reed. Juste ce qu'il faut de chaleur. Juste ce qu'il faut de bleu dans le ciel. Des hommes et des femmes qui dansent. Des enfants qui se poursuivent, tombent et se relèvent.
 
Idir annonce maintenant la chanson qui lui a évité d'aller faire le géologue dans les champs pétroliers du sud algérien. Il s'agit bien sûr d'A Vava Inouva (non, ce n'est pas le vavava de Dassin mais le premier tube d'Idir). Ah, que cette chanson a compté dans l'Algérie des années 1970 ! « L'Algérie a aussi son Bob Dylan » avait alors titré la très sérieuse presse unique du parti unique, célébrant ainsi le premier tube maghrébin à s'imposer en France (et cela bien avant les raïeries de l'ex-cheb Khaled). Impossible de l'entendre sans penser à l'album éponyme tant de fois écouté, prêté, rayé, perdu et racheté. Puis, après avoir moqué cette étrange et bien hypocrite coutume du rappel, Idir clôt son tour de chant avec l'inévitable Zwits rwits, un indétrônable et toujours aussi moderne « shake it baby » à la mode kabyle (ah, cette intro de guitare sèche, annonciatrice de tant de déhanchements…).
 
Voilà, le concert est terminé. La foule s'égaille, de larges sourires aux lèvres. Et l'on ne peut s'empêcher de gâcher un peu de sa propre joie en se disant que dans un monde parfait, tout cela aurait pu se passer dans les allées du Jardin d'Essai algérois. Que des familles venues flâner sous les dragonniers seraient tombées par hasard sur un concert d'un Idir enfin revenu pour chanter au pays et en auraient profité en toute tranquillité. Oui, cela aurait pu être ainsi mais cela n'est pas. Et, pour bien apprécier ce qui se passe ici, on se convainc alors qu'il faut apprendre à oublier parfois les peines de là-bas.
 
Lire aussi :
 
- La chronique économique : Quand la Fed surprend les marchés 
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vendredi 27 septembre 2013

La chronique économique : Quand la Fed surprend les marchés

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 25 septembre 2013
Akram Belkaïd, Paris  
 
La Réserve fédérale américaine serait-elle devenue une adepte du contre-pied ? La semaine dernière, les marchés et la majorité des observateurs s’attendaient à ce qu’elle augmente ses taux et qu’elle mette fin à sa politique de soutien actif à l’économie américaine (Quantitative easing ou QE) en cessant progressivement ses achats de Bons du Trésor à long terme et de titres hypothécaires. Or, le dernier Comité de politique monétaire (FOMC) a décidé de ne rien en faire en maintenant son taux directeur au plus bas (il est de 0,25%) et en injectant chaque mois 85 milliards de dollars dans les circuits financiers.

Le «QE» est maintenu

La nouvelle a été saluée par les marchés mais aussi par les capitales émergentes confrontées à une fuite de capitaux vers les Etats-Unis (si la Banque centrale américaine remonte ses taux, placer son argent sur les marchés étasuniens sera plus rentable). Pour se justifier, la Fed – qui doit changer de président en 2014 (Janet Yellen, vice-présidente de l’institution est annoncée pour succéder à Ben Bernanke) - a estimé que la reprise de l’économie américaine reste encore fragile et qu’elle nécessite le maintien de son soutien. Un avis que confortent les chiffres de conjoncture puisque si la croissance du Produit intérieur brut (PIB) est de retour, le chômage peine à diminuer ce qui place les Etats-Unis dans la situation inconfortable de la «jobless recovery» soit la reprise sans emplois nouveaux. La Fed a d’ailleurs abaissé ses prévisions de croissance pour 2013 et 2014 ce qui laisse présager d’un maintien plus long que prévu du Quantitative easing, une politique d’intervention monétaire dite «non-orthodoxe» (jusqu’en 2012, l’approche habituelle excluait qu’une Banque centrale rachète la dette de son propre pays ce qui, in fine, revient à faire fonctionner la planche à billet).
 
Mais la bonne surprise passée, des critiques se sont fait entendre. Plusieurs experts ont regretté ce qu’ils qualifient de laxisme de la Fed. Pour eux, il est temps que la Banque centrale américaine mette fin à cette période « d’argent gratuit » dont les conséquences pourraient être catastrophiques à terme. En effet, avec cette abondance de liquidités, il y aurait au moins trois bulles en formation : dans l’immobilier, sur le marché des actions et sur celui des Bons du Trésor (treasuries). Et qui dit bulle dit, au final, éclatement et donc nouvelle crise. Car en se gardant de resserrer le marché du crédit, la Fed serait finalement fidèle à sa réputation grandissante de « serial bulber », comprendre un provocateur de bulles en série, la première ayant été celle des marchés d’actions et des valeurs internet il y a une quinzaine d’années.

La Fed n’a que faire des anticipations

Si ces critiques sont recevables et même nécessaires, d’autres sont pour le moins étonnantes. Ainsi, de nombreux acteurs du marché ont reproché à la Fed son «manque de sérieux» pour n’avoir pas adopté la position largement anticipée par le marché. Donc, et à suivre ce raisonnement, il aurait fallu que la Réserve fédérale augmente ses taux parce que le marché en était persuadé… Voilà qui redéfinirait les règles de cette institution, cette dernière s’obligeant à respecter les anticipations des investisseurs. En réalité, il n’est nulle question de crédibilité dans cette affaire car il est bon que le marché soit confronté à quelques surprises de temps à autre. Et il est aussi  bon pour lui de se rappeler qu’une anticipation n’est rien d’autre qu’un pari plus ou moins risqué.
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jeudi 26 septembre 2013

Rigolade matinale grâce à France inter et Chalghoumi

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Entendu ce matin (journal de 7h) sur les ondes de France Inter. 

L’imam Chalghoumi, oui encore lui, en visite au Vatican avec d’autres imams à l’initiative de Marek Halter et au micro de la journaliste de France Inter :

« … que l’endroit il est ça, je sentais on dirait je suis à La Mecque ». « … tellement de monde, ça, ça m’a touché énormément »  « mais les imams ils m’ont dit on sent une chose forte » (…) « Voir sa sainteté il arrive vers nous… nous aussi on se lève (…) … c’est plus qu’un mufti pour nous »

Pour la petite histoire, et selon la journaliste, le pape n’a serré la main qu’au seul Marek Halter et la photo de groupe n'a pas eu lieu... La prouchine foua ?
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mardi 24 septembre 2013

Entretien accordé à Courrier international : FRANCE “Le Front national profite de l’absence d’idées

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Courrier International, jeudi 19 septembre 2013

Courrier international – Le Front national semble être l’épicentre de la vie politique française. Cela vous semble justifié ?
Akram Belkaïd – C’est effectivement le cas car la classe politique traditionnelle est incapable de trouver une parade efficace à la crise sociale qui mine le Vieux Continent. A gauche comme à droite, on manque d’idées pour lutter efficacement contre le chômage et réduire les inégalités engendrées notamment par la mondialisation financière. Les affaires DSK et Cahuzac, pour ne citer qu’elles, ont aussi écœuré des millions de Français, dont la colère profite directement au Front national. Ce parti est désormais au centre du jeu politique pour les prochaines élections, y compris la présidentielle de 2017.

Un tiers des Français se sentiraient “proches des idées” défendues par Le Pen. Faut-il s’en inquiéter ?
Absolument. Certes, on peut se rassurer en disant que nombreux sont ceux qui trouvent dans le FN le seul recours pour exprimer leur colère. Mais un tel raisonnement revient à nier la réalité de la radicalisation d’une partie de la société française sur les questions des inégalités sociales, de l’insécurité, de l’immigration ou même de la peine de mort. Aujourd’hui, le discours humaniste et tolérant est en partie déconsidéré parce qu’il est tenu par des élites politiques et économiques complètement déconnectées de la réalité sociale et, à mon sens, coupables de désinvolture à l’égard des classes populaires et moyennes.

Quel est votre point de vue sur les positions peu claires de l’UMP concernant les reports de voix aux municipales de mars 2014 ?
Cela fait plus de vingt ans que la droite est tentée de faire alliance avec le FN. A chaque rendez-vous électoral, les garde-fous et les rappels à l’ordre au sein de cette famille politique ont empêché ce rapprochement. Mais, quand on regarde ce qui se passe dans le reste de l’Europe, y compris en Scandinavie, où les partis d’extrême droite sont devenus fréquentables, on se rend compte que la France demeure une exception. Est-ce que cela va durer ? Rien n’est moins sûr, car on sent bien qu’une bonne partie de l’opinion publique française est prête à accepter une alliance UMP-FN, que la présidence Sarkozy et ses dérapages divers (discours sur les Roms, débat sur l’identité nationale…) ont contribué à préparer.
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dimanche 22 septembre 2013

La chronique du blédard : Le bijoutier de Nice et la tentation FN de la droite française

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 19 septembre 2013
Akram Belkaïd, Paris


Les faits divers sont souvent révélateurs de l’état d’une société et des pulsions qui l’animent et, parfois, la minent. L’affaire dite du bijoutier de Nice, se faisant justice lui-même en abattant l’un de ses agresseurs, en est un parfait exemple. Mise en examen pour homicide volontaire et placée en résidence surveillée, cette personne est désormais au centre de passions qui la dépassent. Comme on pouvait s’y attendre, ce drame – il y a tout de même eu mort d’homme – a fait l’objet de plusieurs récupérations politiques à commencer par  celle d'une partie de la droite dite républicaine. L’occasion était trop belle pour elle de profiter – verbe employé à dessein – de l’occasion pour régler ses comptes avec la gauche au pouvoir mais surtout avec Christiane Taubira, la ministre de la justice accusée de laxisme à l’égard des délinquants.

On retiendra surtout la participation d’Eric Ciotti et de Christian Estrosi, deux élus UMP de droite, à la marche organisée en soutien du bijoutier. Le président du conseil général des Alpes-Maritimes et le député-maire de Nice ont donc manifesté leur solidarité avec un criminel ayant ravi une vie humaine alors que la sienne n’était pas menacée (il a tiré sur ses assaillants alors qu’ils prenaient la fuite). Bien sûr, rien ne justifie que l’on attaque un commerçant mais, dans un Etat de droit, ce n’est pas le citoyen qui se fait justice lui-même. En participant à la marche, les deux compères ultra-droitiers ont donc discrédité l’institution républicaine ce qui, finalement, peut être considéré comme un encouragement à appliquer la loi du talion ou bien encore celle du far West.

Le plus étonnant dans l’affaire, c’est que le Front national, du moins ses dirigeants, ont été plus réservés. Ainsi, Marine Le Pen a-t-elle balayée la thèse de la légitime défense, prédisant que le bijoutier sera vraisemblablement jugé aux assises. La leader frontiste s’est tout de même empressée de rappeler « l'exaspération, le sentiment d'abandon » qu’éprouveraient nombre de Français qui « aujourd'hui ont le sentiment que s'ils ne se défendent pas eux-mêmes, le pouvoir ne les défendra pas ». Bien sûr, et à l'inverse, de nombreux militants et sympathisants du FN n’ont pas eu la même prudence rhétorique comme en témoignent les discours vengeurs qui se sont propagés à la vitesse de l’éclair sur les réseaux sociaux, la page de soutien au bijoutier sur Facebook n’étant que la partie visible d’un iceberg de haine et d’irresponsabilité. Pour autant, on ne peut s’empêcher de penser que, dans cette triste affaire, le FN a été moins en pointe que l’UMP. Et cela en dit long sur l’évolution de la droite française.

Le temps où existait une ligne de démarcation extrêmement claire entre cette dernière et l’extrême-droite n’est plus. De Gaule est parti et ses héritiers sont en maison de retraite. Cela fait déjà plusieurs années que l’UMP est tiraillée par l’envie de faire alliance avec le Front national ou par celle de lui « voler » ses électeurs. C’est ce qu’a d’ailleurs fait Nicolas Sarkozy dès sa nomination au poste de ministre de l’intérieur en 2002, le paroxysme de cette stratégie ayant été atteint lors de la campagne électorale de 2007. En 2012, l’ancien président français a tenté la même capture mais cela n’a pas suffit pour qu’il batte François Hollande (il s’en est tout de même fallu de peu…). La stratégie du « rapt » n’ayant pas fonctionné on en revient donc à celle de l’alliance.

Il y a quelques jours, l’ancien Premier ministre François Fillon, censé jusque-là représenter une droite responsable et vigilante quant à toute compromission avec l’extrême-droite, n’a pas écarté l’idée d’appeler à voter pour des candidats du Front national. C’est tout sauf anodin car cela traduit un rapport de force qui évolue. Quand on examine avec attention l’évolution des scrutins en France, on se rend bien compte qu’il existe une réelle dynamique électorale du FN. Il fut un temps où d’anciens militants communistes basculaient vers ce parti politique. Aujourd’hui, et il en a déjà été question dans ces colonnes, on voit même des électeurs d’origine maghrébine ou sub-saharienne clamer leur intention de voter pour Le Pen.

Crise économique et sociale, crainte du déclassement social au sein des classes moyennes, comportement désinvolte des élites politiques et économiques et multiplication des scandales : les raisons de l’adhésion au Front national de personnes n’étant pas forcément xénophobes ou islamophobes sont connues. Considérées comme temporaires et non structurelles, elles ont poussé jusque-là la droite républicaine à penser qu’elle pourra tôt ou tard récupérer ces voix sans s’allier avec le diable. Aujourd’hui, nombreux sont les élus UMP qui pensent le contraire. Du coup, on peut se demander jusqu’à quand durera l’exception française en Europe. En effet, à ce jour, de nombreux partis de droite n’ont pas craint de s’allier avec des partis équivalents au Front national. Autriche, Suède, Norvège, Pays-Bas, Hongrie et même Italie : Quand on dresse l’état d’une Europe qui semble reprise par ses vieux démons, on réalise que la France est effectivement à part.  Les prochaines élections municipales mais aussi, et surtout, européenne, montreront si cela reste le cas.

Mais revenons sur l’affaire du bijoutier de Nice. Un autre de ses enseignements, peu abordé par les médias, est que la question de l’abolition de la peine de mort n’est toujours pas une affaire entendue en France. On sait que l’extrême-droite revendique son rétablissement. Mais, à examiner de près le discours des soutiens « républicains » du bijoutier, notamment celui d’Estrosi et de Ciotti, on se rend compte que le message répété à l’envi selon lequel « la justice n’est pas assez sévère » ne sert qu’à véhiculer celui selon lequel les criminels n’auraient peur de rien puisque la peine de mort n’existe plus. Cette constatation provoque un malaise à la mesure des dangers que charrie cette époque troublée.

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vendredi 20 septembre 2013

La chronique économique : De l'offre et de la demande

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 18 septembre 2013
 Akram Belkaïd, Paris
 
Aux économistes qui ont un peu trop tendance à se hausser du col en considérant que leur discipline est une science exacte, il est souvent dit qu’elle ne se résume en réalité qu’à une seule loi. Celle de l’offre et de la demande tandis que le reste ne serait que broderies et autres obscures abstractions destinées à imiter  -en vain- les mathématiques. La moquerie est quelque peu outrancière mais il est vrai qu’il est fréquent que l’on oublie de revenir aux lois fondamentales pour expliquer la crise que traverse actuellement une grande partie de la planète. De quoi s’agit-il ?

Favoriser l’acheteur ou le vendeur ?

Dans les pays développés le dilemme des gouvernements se pose souvent en termes de choix entre une politique de l’offre et une politique de la demande. Dans le premier cas, ce sont les « vendeurs » qui sont le plus favorisés. Il s’agit principalement des entreprises à qui il est consenti maints avantages pour qu’elles produisent plus et pour qu’elles demeurent compétitives. Cela passe par une fiscalité allégée et diverses aides financières. Cela se traduit aussi par des mesures incitatives notamment sur le plan réglementaire (normes et législations moins contraignantes, dérégulation…) mais aussi sur le plan social (baisse des charges, modification du code du travail à l’image de ce qui se fait dans les zones franches,…). On notera au passage que les avantages accordés aux ménages les plus aisés (cette fameuse minorité dont les avoirs sont inversement proportionnels à son importance démographique) sont souvent parés de la vertu de l’offre. Ainsi les cadeaux fiscaux consentis aux riches seraient la garantie que ces derniers paieront la société en retour en faisant fonctionner l’économie grâce à leurs dépenses et investissements.

Dans le second cas, la politique de la demande bénéficie aux « acheteurs », c’est-à-dire les ménages. L’idée est d’augmenter leur pouvoir d’achat et de les inciter à dépenser. Dans cet ordre d’idée, il arrive aussi que l’on cherche à convaincre les épargnants à puiser dans leurs économies -et cela par une fiscalité moins attractive pour les produits d’épargne- ou alors à s’endetter grâce notamment aux crédits à la consommation cela sans oublier toute la panoplie autour du diptyque immobilier et prêts hypothécaires (aux Etats-Unis, avant la crise des subprimes, la renégociation des prêts hypothécaires en cas de baisse des taux permettait de dégager des liquidités susceptibles de financer la consommation).

Où en sommes-nous aujourd’hui ? La situation est simple. Une partie de l’économie mondiale est confrontée à une crise de la demande. En clair, les produits sont là et en quantités suffisantes mais c’est la demande qui manque. Confrontés à des salaires en stagnation et entraînés vers le bas par la mondialisation et les délocalisations, les « acheteurs » hésitent à dépenser tandis que leur baisse de confiance engendrée par des crises à répétition (subprimes, situation en Grèce,…) les pousse à favoriser l’épargne. Dès lors, se pose la question de savoir comment sortir de ce cercle vicieux. Pour l’heure, nombre de gouvernements ont choisi de continuer à croire aux vertus de la politique de la demande. Ainsi, et alors que le chômage explose en Europe et qu’il peine à refluer aux Etats-Unis, ce sont toujours et encore les entreprises – et surtout les grandes - qui bénéficient des mesures financières accommodantes.

L’Europe fait fausse route

Après des années de dérégulation, de baisse des prélèvements fiscaux sur les bénéfices et de réduction des dépenses sociales (lesquelles sont aussi un moyen de relancer la demande), le salarié tend à devenir un travailleur d’autant plus pauvre que c’est lui, en priorité, qui, par ses impôts, fait les frais des efforts en matière de réduction des déficits publics. Aussi suicidaires soient-elles, ces politiques continuent d’être appliquées en Europe et, à un degré moindre, aux Etats-Unis. Pourtant l’histoire économique montre que l’austérité couplée à une politique d’offre ne donne guère de résultats probants. Voilà pourquoi l’Europe gagnerait tant à privilégier une approche couplant politique de la demande et relance keynésienne, cette dernière permettant à l'Etat de se substituer momentanément par ses dépenses et investissements aux ménages.
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jeudi 19 septembre 2013

La chronique économique : Coup de mou pour les pays émergents

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 11 septembre 2013
Akram Belkaïd, Paris

Ils étaient cités en exemple pour leur dynamisme, les voici accusés de menacer la reprise de l’économie mondiale. Et pourtant, ce n’est pas entièrement leur faute… De fait, depuis plusieurs semaines, les alertes se multiplient quant à la baisse des performances des principaux pays émergents cela alors même que les Etats-Unis mais aussi la zone euro s’éloignent de la zone dangereuse de la récession. Or, si le ralentissement est bien tangible chez les fameux BRIICS (Brésil, Russie, Inde, Indonésie, Chine et Afrique du Sud), ses raisons sont, en grande partie, à rechercher du côté des pays développés.


La Fed a allumé l’incendie

En annonçant, le 22 mai dernier, qu’elle envisageait de cesser ses injections massives de liquidités dans l’économie (85 milliards de dollars par mois), la Réserve fédérale américaine (Fed) a enclenché un mouvement d’ajustement des flux de capitaux qui dessert les pays émergents. En effet, la perspective de la fin de ce programme d’ « assouplissement quantitatif » a provoqué une hausse des taux d’intérêts aux Etats-Unis. Du coup, nombre d’investisseurs rapatrient en masse leurs capitaux placés dans les pays émergents car cette hausse des taux longs américains leur garantit de meilleures rentabilité et liquidité.

En moins de trois mois, les fonds placés dans les pays émergents ont perdu près de 60 milliards de dollars et ont été rapatriés vers les Etats-Unis et la zone euro. Un reflux plus important encore que lors de la crise financière de 2008. Pays soumis à des déficits de paiements structurels, l’Inde et le Brésil sont les plus affectés par ce réajustement et leurs monnaies ont perdu près de 20% de leur valeur par rapport au billet vert depuis mai dernier. Du jamais vu depuis 1995, ce repli faisant écho aux grandes crises monétaires ayant ébranlé les pays émergents durant les années 1980 et 1990.

Cette fuite des capitaux jusque-là placés dans les pays émergents vers les Etats-Unis et l’Europe a plusieurs conséquences négatives. En provoquant la dépréciation des devises comme la roupie ou le real, elle engendre des tensions inflationnistes lesquels dissuadent les ménages d’épargner ce qui aggrave la dégradation des comptes externes des pays concernés.  Pour autant, les risques d’une grande crise financière des pays émergents doivent être relativisés car la majorité des pays émergents disposent de confortables réserves de change ce qui leur évitera, du moins dans un premier temps, de faire appel au Fonds monétaire international (FMI) pour équilibrer leurs comptes. Dans le même temps, l’Inde et le Brésil envisagent de créer un fonds commun d’intervention sur le marché des monnaies.  Une intervention qui passera par l’achat de dollars afin de provoquer l’appréciation du billet vert et, inversement, de freiner la glissade de leurs monnaies.

Un G20 toujours vain

Comme l’avaient prédit de nombreux observateurs, la tenue du G20 au cours du week-end dernier n’a débouché sur aucun accord concret pour trouver une solution aux déboires monétaires des pays émergents.  Certes, les gouverneurs des banques centrales du G20 se sont engagés « sur le fait que les changements futurs de politiques monétaires continueront d'être calibrés avec précaution » mais cela ne signifie pas que la Fed renoncera à sa décision de ne plus injecter des fonds dans l’économie américaine. En clair, l’hémorragie de capitaux dans les places émergentes risque de se poursuivre. C’est là une nouvelle preuve du caractère hautement volatil des investissements financiers étrangers et cela devrait inciter les pays pénalisées à développer leurs marchés intérieurs et à encourager l’épargne des ménages.
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dimanche 15 septembre 2013

La chronique du blédard : De la laïcité et de l'islam en France

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 12 septembre 2013
Akram Belkaïd, Paris
 
Le gouvernement français s’en défend mais pour de nombreux musulmans de France la mise en place d’une charte de la laïcité à l’école s’apparente à un acte hostile contre eux et contre leur religion. Il ne faut pas se leurrer : la défiance à ce sujet est réelle d’autant qu’il faudrait être naïf pour nier l’existence d’arrière-pensées des autorités concernant un sujet hautement délicat pour ne pas dire explosif. Car, dans ce genre de situation, les procès d’intention sont nombreux. « Islamophobie évidente et intolérable » crient les uns. « Démarche rendue nécessaire par les problèmes rencontrés en milieux éducatifs » répondent les autres en jurant pourtant qu’ils ne visent personne en particulier.
 
Le mieux, pour juger de l’affaire, est de se reporter à ce document de quinze articles. La première constatation c’est que l’islam n’est jamais cité et que les musulmans n’y sont pas désignés du doigt. Mais, diverses actualités obligent, il est évidemment impossible de lire ce texte sans penser à la religion musulmane et aux diverses tensions qui accompagnent sa présence de plus en plus visible – d’aucuns diront son essor – en France. On pense bien sûr aux affaires liées à l’interdiction du voile dans les établissements scolaires mais aussi à d’autres polémiques si caractéristiques de l’air du temps dans l’Hexagone comme la question de la viande hallal dans les cantines.

Le premier article de la charte stipule que la France, « République indivisible, laïque, démocratique et sociale (…) respecte toutes les croyances ». La République, peut-être, mais cela n’est pas toujours vrai en ce qui concerne ses représentants ou ceux qui aspirent à l’être. Cette réalité alimente bien des rancœurs. En effet, depuis plus d’une décennie, les discours ouvertement islamophobes ne sont pas le fait de la seule extrême-droite et dans ce contexte même l’Etat français n’est pas toujours exempt de reproches.

Le document rappelle ensuite la neutralité de l’Etat vis-à-vis des convictions religieuses ou spirituelles. « Il n’y a pas de religion d’Etat » proclame ainsi l’article deux. Ce principe fondateur né des combats menés au début du XXème siècle pour affranchir la République du poids de l’Eglise catholique mériterait aujourd’hui une exégèse. Non pas pour le remettre en cause mais pour répondre aux enjeux de l’époque avec notamment une importante communauté musulmane, de nationalité française, qui estime qu’une partie de ses droits lui sont déniés. Cela quand elle n’est pas victime d’une stigmatisation récurrente alimentée, il est vrai, par les errements et les excès sanglants de mouvements extrémistes se réclamant de l’islam.
 
L’absence de religion d’Etat en France est un acquis dont les pays musulmans feraient mieux de s’inspirer (mais ceci est une autre affaire...). Par contre, il est des questions auxquels les principes de laïcité tels qu’ils existent aujourd’hui ne répondent pas de manière satisfaisante. L’un des reproches des musulmans français à l’égard de leur Etat – reproche souvent exprimé de manière vigoureuse – est que ce dernier répugne à assurer l’égalité des religions entre elles, estimant que là n’est pas son rôle. Certes, comme le rappelle le troisième article de la Charte, la laïcité « permet la libre expression de ses convictions » - précisant au passage que cela se fait « dans le respect de celles d’autrui et dans les limites de l’ordre public ». Mais ce document ne dit rien à propos de l’égalité pour ce qui est des conditions et possibilités de pratiquer librement et dignement son culte ? On pense, bien entendu, à la question des constructions de mosquées qui, le plus souvent, s’apparentent à un parcours du combattant comme en témoignent notamment les péripéties juridiques autour du chantier de la future mosquée de Marseille…
 
Pour de nombreux défenseurs de la laïcité, l’Etat n’a pas à se mêler de l’égalité en matière de conditions de pratique du culte son rôle se bornant à garantir la liberté de conviction religieuse. C’est une position que l’on pourrait comprendre dans un panorama religieux figé mais la France, comme une bonne partie du monde évolue. La place importante de l’islam dont la présence remonte pourtant à moins d’un siècle, l’émergence de nouvelles spiritualités, tout cela ne peut permettre à l’Etat français de se cantonner dans une position défensive pour ne pas dire répressive. Si l’Etat n’a pas à se mêler de religions il est tout de même obligé de veiller à ce qu’aucune d’entre elles ne se considère comme malmenée.
 
Il est certainement important de défendre la neutralité religieuse de l’école publique et l’exigence d’une application identique des règles pour tous les écoliers. Il est aussi bienvenu de rappeler que « nul ne peut se prévaloir de son appartenance religieuse pour refuser de se conformer aux règles applicables dans l’Ecole de la République » (article 13 de la charte). Mais grande est la conviction chez une bonne partie des musulmans de France que la laïcité est un outil de coercition destinée à préserver un statu quo en matière de prépondérance d’une religion sur l’autre et à empêcher que, finalement, l’islam ne puisse être considéré comme une religion « française » au sens qu’elle ne serait plus « importée » de l’extérieur.
 
Enfin, il faudrait aussi que l’Etat et ses représentants s’emploient à rappeler que, la laïcité, ce n’est pas la promotion de l’athéisme et le refus des religions. Que la laïcité, ce n’est pas consacrer la critique systématique et la mise en cause des religions au rang de projet de société et de mode de vie. Car, hélas, qu’ils soient chrétiens, juifs ou musulmans, de nombreux croyants se sentent aujourd’hui pointés du doigt par toute une machinerie médiatico-intellectuelle dont la conception de la laïcité semble pour le moins des plus restrictives. Et l'Etat français gagnerait à ne pas s'en faire le relais.
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lundi 9 septembre 2013

Bulbes en gris

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rencontre littéraire de rentrée

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L’association Coup de soleil vous invite à sa 
rencontre littéraire de rentrée 
le lundi 16 septembre 2013, 
de 19h à 21h, à l’AGECA 
177 rue de Charonne, Paris 11ème (métro Alexandre Dumas)

Nous aurons le plaisir d’y recevoir trois amis, deux journalistes et un romancier, dont les ouvrages ont pour cadre les trois pays du Maghreb central : l’Algérie, la Tunisie et le Maroc. Il s’agit de :

- Akram BELKAÏD « Retours en Algérie », (Carnets Nord, 2013)
- Samy GHORBAL « Orphelins de Bourguiba et héritiers du Prophète » (Cérès, 2012).
- René GUITTON «  L’entre-temps » (Calmann-Lévy, 2013)

La présentation des ouvrages par leurs auteurs sera suivie d’un débat, animé par Georges MORIN, président de Coup de soleil, puis d’une vente-dédicaces.
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Bulletin de réservation obligatoire à renvoyer à :
- NOM :
- Prénom :
- Tél. :
- Courriel :
- Merci de me réserver (nombre) ...... places pour cette rencontre littéraire.
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Présentation des auteurs et de leurs ouvrages 
Akram BELKAÏD « Retours en Algérie ». En septembre 2012, Akram Belkaïd est reparti sur les traces de son histoire algérienne. Avec un groupe de lecteurs de La Vie, anciens appelés du contingent, pieds-noirs ou enfants de rapatriés, hommes et femmes de foi, il a sillonné le pays de son enfance, de Tlemcen à Oran, de Tibhirine à Alger, et réveillé les fantômes du passé. Un carnet de route émaillé de témoignages et écrit alors que l’Algérie fête le cinquantième anniversaire de son indépendance. Un cinquantenaire entre espoir en cette jeunesse pleine d’énergie et déception devant tout ce que la liberté n’a pas pu offrir. Un voyage aux émotions multiples : sourires devant le ballet des valises à Orly-Sud, joie devant l’hospitalité de ce peuple, douleur au monastère de Tibhirine, colère dans les rues dévastées d’Alger, perplexité devant l’autoroute « aux quinze milliards de dollars », où chacun retrouvera son histoire algérienne. Car, malgré tous les exils, nous n avons de nationalité que celle de notre enfance.
Akram Belkaïd est né en 1964 à Alger, de mère tunisienne et de père algérien. Journaliste et essayiste, il est rédacteur en chef d'Afrique-Méditerranée Business et écrit aussi pour Le Quotidien d’Oran, Le Monde diplomatique, Afrique magazine et Maghreb émergent. Il vit à Paris. Il est déjà l’auteur d’Être arabe aujourd’hui (Carnets Nord, 2011), mais aussi de La France vue par un blédard (Le Cygne, 2012), Un regard calme sur l’Algérie (Le Seuil, 2005) et À la rencontre du Maghreb (La Découverte / IMA, 2001).
Samy GHORBAL « Orphelins de Bourguiba et héritiers du Prophète ». L’article 1er de la Constitution de 1959 est la pierre angulaire de l'identité politique tunisienne. Mais que signifie-t-il réellement, et quelle est la portée de la notion d'islamité de l'Etat ? Quelle est l'histoire de cet article, « fruit de l'alchimie bourguibienne » et « colonne vertébrale de la Tunisie moderne » ? Pourquoi Bourguiba, chantre du progrès et de la rationalité, a-t’il à tout prix souhaité maintenir un ancrage religieux à son Etat ? Zine-el-Abidine Ben Ali, en instrumentalisant les thématiques de l’authenticité culturelle et de la religion, a-t-il dévoyé la modernité tunisienne et fait le lit de ceux qu'il voulait combattre, les islamistes d'Ennahda ? Et où se situe désormais la vraie ligne de démarcation entre les modernistes et les chantres de la pensée identitaire ? Habib Bourguiba est le protagoniste central de cet essai, commencé dix-huit mois avant la Révolution, qui est aussi une biographie intellectuelle du père de l’indépendance tunisienne…
Samy Ghorbal présentera également un livre collectif dont il a assuré la direction : « Le syndrome de Siliana ». Paru en juin 2013, ce livre est le résultat d’une enquête dans les couloirs de la mort des prisons tunisiennes, au cours de laquelle les quatre auteurs (Samy Ghorbal, Olfa Riahi, Héla Ammar et Hayet Ouertani) ont interrogé en face-à-face une quarantaine de condamnés à la peine capitale. Ses conclusions sont dérangeantes. Elles montrent que la justice tunisienne fonctionne comme une justice de classe et font apparaître des distorsions régionales flagrantes. Le livre met aussi en lumière un cas d’erreur judiciaire flagrante, celui de Maher Manaï, ex-condamné à mort, qui a déjà passé le tiers de sa vie derrière les barreaux et qui attend toujours une grâce ou la révision de son jugement… 
Journaliste et écrivain franco-tunisien, Samy Ghorbal vit entre Paris et Tunis. Diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris, il a publié Orphelins de Bourguiba & héritiers du Prophète en janvier 2012 et a dirigé la mission d’Ensemble contre la peine de mort (ECPM) dans les prisons tunisiennes, en décembre de la même année. Samy Ghorbal a été journaliste à Jeune Afrique, entre 2000 et 2009. Il a également collaboré à l’hebdomadaire marocain Tel Quel et signe régulièrement des chroniques et des enquêtes pour les journaux en ligne tunisiens Businessnews et Leaders. Rentré en Tunisie après la Révolution, il a rejoint l’équipe de campagne d’Ahmed-Néjib Chebbi, le leader du PDP, et a participé à l’écriture du programme constitutionnel du parti pour les élections à l’Assemblée constituante d’octobre 2011. Son site officiel : www.lidee-rouge.com
René GUITTON « L’entre-temps ». Le petit Alex, né dans un camp d’internement perdu au fond du Maroc, est devenu un homme. Un homme plus vieux que ne l’a jamais été son père, marin, qui l’a façonné et fasciné. Il lui a appris les bateaux, les avions, la contemplation du rayon vert des couchers de soleil, l’ouverture aux autres, et la loyauté. C’est d’ailleurs par loyauté envers sa mère et son père qu’Alex revient en terre natale : depuis trop longtemps séparés, ses parents doivent être enfin réunis, en France. Et l’enfant devenu adulte se nourrit du souvenir de Rose, sa mère, jeune modiste italienne, sauvage et envoûtante, de ses grands-parents épris de liberté, de Yemna la juive, de Mina la musulmane, de sa tante d’Amérique, de ses cousins d’Afrique…
Dans ce roman sensible et fort, écrit avec pudeur et élégance, s’enchevêtrent les alliances perverses de la Seconde Guerre mondiale qui précipitent Rose en captivité. Malgré la tragédie du monde qui s’écroule, le bonheur d’être ensemble l’emporte sur la cruauté. Au fil d’un « tu » timide et délicat à la voix sobre et retenue, le fils s’adresse au père, dans une quête des origines visant à saisir enfin quelques parcelles du mystère de la filiation.
René Guitton est un auteur engagé, dont certains ouvrages ont été couronnés : Si nous nous taisons (Calmann-Lévy ; Prix Montyon de l’Académie française, prix Liberté et prix Lyautey de l’Académie des sciences) et Ces chrétiens qu’on assassine (Flammarion ; Prix des Droits de l’homme). En 2013, il est nommé chevalier de l’ordre des Arts et des lettres.
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