Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

dimanche 6 octobre 2013

Kechiche, Seydoux et le métier d'actrice

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Palme d'or au Festival de Cannes 2013 pour "la Vie d'Adèle", Abdellatif Kechiche a été par la suite durement attaqué par Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos, les deux principales actrices de son film. Ces dernières l'ont accusé de mauvais traitements, le terme "tortionnaire" ayant même été prononcé à plusieurs reprises en référence à des scènes de sexe jugées particulièrement éprouvantes. Cela sans oublier les mises en cause par des techniciens ayant dénoncé les conditions de travail sur le tournage.

Le cinéaste franco-tunisien est longtemps resté silencieux et vient juste de faire une première réponse à ces accusations dans un entretien accordé au Nouvel Observateur (*). Une réponse des plus cinglantes à l'encontre de Léa Seydoux, qui, il faut le rappeler, est la petite-fille de Jérôme Seydoux, le président de Pathé.

"Adèle n'a rien dit [de moi] qui m'ait heurté, mais j'ai été très choqué par les déclarations de Léa. Je n'ai pas compris", a indiqué Kechiche qui adresse sa première flèche : "L'explication heureuse [à ces critiques] serait que le film a réveillé en elle des pulsions qu'elle ignorait et qu'elle souhaite maintenant oublier".

Dans la foulée, le cinéaste laisse entrevoir d'autres motifs, qui relèveraient peut-être d'un racisme, au moins social, qui ne dirait pas son nom : "Léa appartient à un monde qui n'est pas le mien, et pas non plus celui d'Adèle", relève-t-il sans donner plus de détails, cette différence d'appartenance expliquant peut-être, selon lui, des "motivations plus sombres" de l'actrice.

Mais, au-delà de cette explication, c'est le jugement de Kechiche sur le jeu de Léa Seydoux qui mérite l'attention :
"J'ai eu du mal à obtenir de Léa ce que j'attends d'une actrice. Je recherche l'incarnation, pas la démonstration, et je ne supporte pas les mimiques, les moues, les poses, les attitudes de femmes mystérieuses (...) pour elle l'interprétation passe par des ficelles, des trucs. Pour signifier l'étonnement, par exemple, elle écarquille les yeux".

Voilà donc l'actrice habillée pour l'hiver. Pour autant, le propos de Kechiche sonne vrai. Cette superficialité et ce manque de fond masqué par des attitudes vaporeuses et ambiguës sont des travers répandus chez les actrices françaises. Et Kechiche aurait pu ajouter aussi des dictions imparfaites pour ne pas dire vulgaires.

Pour finir, on prendra le temps de réfléchir à propos de l'opposition entre "incarnation" et "démonstration". Vieux débat auquel n'importe quel acteur est tôt ou tard confronté. Faut-il être, ou du moins essayer d'être, ou bien alors faut-il juste faire semblant d'être ? Bien entendu, il n'y a pas de réponse définitive mais, dans les deux cas, il faut savoir bien le faire...

(*) Après la palme, les horreurs, 3 octobre 2013
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