Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

samedi 2 février 2013

Une leçon malienne pour l'Algérie

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L'évolution de la situation sécuritaire au Mali et, plus encore, la visite triomphale de François Hollande, le président français, à Bamako et Tombouctou, a généré nombre de commentaires ironiques voire critiques sur les réseaux sociaux algériens. "Folklore", "spectacle néocolonial grotesque", "indécence de la françafrique", le moins que l'on puisse dire, c'est que les foules arborant le drapeau bleu-blanc-rouge ont irrité et généré des jugements lapidaires. Sentiment injuste qui dénie sa joie à un peuple humilié par la déroute de son armée au printemps 2012 et par la situation de quasi-partition de son pays.
On le sait, la majorité des Algériens n'est guère à l'aise avec l'intervention militaire française au Mali mais ce n'est pas une raison d'ignorer les attentes et sentiments d'une grande partie du peuple malien.

Un avis malien

Pour bien le comprendre, il faut lire l'entretien accordé par Bandiougou Gakou, ancien diplomate malien et spécialiste du monde musulman, au site Maliweb. A la question concernant son jugement à propos des réactions internationales, cet ancien conseiller diplomatique du Premier ministre de son pays (2003-2008) n'hésite pas à critiquer la position algérienne.

"La surprise désagréable", juge-t-il, "est enregistrée chez le voisin du Nord (comprendre l'Algérie, ndb) qui mène sur son sol une guerre implacable contre le terrorisme mais qui abrite, assiste et appuie le terrorisme chez l’autre. Que le diable emporte le Mali ? Comment l’Algérie peut-elle l’accepter ? Pourvu que l’Algérie reste en paix ! Ce seul raisonnement lui suffit-il ? Il est vrai que dix ans de guerre civile et cent cinquante mille morts, cela peut provoquer des traumatismes. Mais pour autant l’Algérie et le Mali ne peuvent pas se tourner le dos. Une histoire commune, la religion et la géographie ont leurs exigences".

Dans le même temps, Bandiougou Gakou, reconnaît que le Mali n'a pas été à la hauteur des attentes algériennes durant les années 2000 en ce qui concerne la lutte contre les groupes djihadistes installés au nord. "Nous avons adopté une attitude laxiste jugée inamicale par notre puissant voisin, qui nous accusait avec raison de donner un asile confortable à tous ceux qui perpétraient des attentats sur le sol algérien. Ce laxisme n'a jamais cessé d'être dénoncé à l'échelle internationale".

Le Mali, un miroir de l'Algérie ?

S'il est encore trop tôt pour savoir de quelle manière les relations algéro-maliennes vont évoluer, on peut aussi méditer sur l'analyse de ce diplomate à propos des raisons qui ont poussé le Mali au bord du gouffre. Outre les conséquences de la crise algérienne (avec la migration des groupes djihadistes vers le Sahara) et celles de la chute du régime de Kadhafi, Bandiougou Gakou évoque une raison qui parlera certainement aux Algériens et les obligera à faire le parallèle avec leur propre situation politique. Il cite ainsi "l'angoisse d'une fin de règne au Mali. La perspective de fin de mandat a provoqué un véritable désarroi au sommet de l'Etat, provoquant des faits, gestes, attitudes et décisions décousus. Tantôt, la Constitution est en cause, il faut la réviser à la va-vite; tantôt on brandit une exigence d'harmonisation des calendriers électoraux nécessitant une prolongation de deux ans du mandat présidentiel. Du rumeurs en rumeurs maladroitement distillées, on tâtonne aux seules fins de préparer l'opinion à une nécessaire prolongation de mandat". Et de relever, chose importante, que les conditions de la déroute de l'armée malienne ont convaincu les Maliens qu'il s'agissait de la "fabrication de circonstances empêchant la tenue de l'élection présidentielle".
D'où, précise-t-il, le coup d'Etat militaire contre le président Amadou Toumani Touré (ATT).

Enfin, et cela ne manquera pas d'alerter les Algériens, ce spécialiste affirme que "la réalité est que le Mali a besoin d'une puissante base militaire amie dans le nord". De quoi relancer les supputations à propos d'un conflit qui est loin d'être terminé.
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