Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

mercredi 28 novembre 2012

Ces pays africains qui boudent la Palestine

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SlateAfrique, 28 novembre 2012

Le chroniqueur Akram Belkaïd se demande quelle position vont adopter les pays africains lors du vote de l'Assemblée générale des Nations unies sur le statut d’État non membre de la Palestine.

Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, le 23 septembre 2011 aux Nations unies, à New York. REUTERS/Mike Segar
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C’est ce jeudi 29 novembre que l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies (ONU) va décider ou non d’accorder à la Palestine le statut d’État non membre. Selon les prévisions, entre 130 et 135 pays sur 190 devraient voter en faveur de cette demande (à la différence du Conseil de sécurité, aucun veto ne peut s’opposer à ce vote).
Parmi eux, la France qui, après quelques semaines de tergiversations, a fini par décider de prendre le risque de se fâcher avec le gouvernement de Benjamin Netanyahou. De façon générale, la majorité des pays soutenant la démarche palestinienne appartiennent à ce que l’on qualifie habituellement de «Sud»: pays arabes, bien sûr, mais aussi d’Amérique latine, d’Asie et, à quelques exceptions près, d’Afrique.

Une possible abstention

À ce sujet, on ne sait pas encore quels sont les pays africains qui vont certainement s’abstenir durant le vote (aucun ne devrait voter contre la demande palestinienne), mais pour en avoir une idée, on peut se baser sur le scrutin de novembre 2011 pour l’adhésion de la Palestine àl’Unesco. A l’époque, huit pays africains s’étaient réfugiés dans l’abstention, ce qui pour nombre de Palestiniens et d’Arabes, s’apparentait tout de même à un vote négatif. Il s’agit du Burundi, du Cameroun, du Cap Vert, de la Côte d’Ivoire, du Rwanda, du Togo, de l’Ouganda et de la Zambie.
Comment expliquer une telle abstention alors que le Sud prend en règle générale parti pour les Palestiniens? On peut d’abord relever que l’abstention reste tout de même le meilleur moyen de ménager la chèvre et le chou et de résister aux pressions diplomatiques des grandes puissances.
Ainsi, les États-Unis n’ont pas caché qu’ils étaient opposés à l’adhésion de la Palestine à l’Unesco ou à l’ONU. Un pays proche de Washington comme l’Ouganda s’est donc très certainement retrouvé dans une position difficile, d’autant qu’il existe en plus des liens économiques et militaires entre Kampala et Tel Aviv. Même chose pour le Burundi et le Rwanda, deux pays ayant longtemps été dans la sphère d’influence française, mais dont on sait aujourd’hui qu’ils sont plus à l’écoute des États-Unis – et de l’État hébreu – que de Paris.
Il reste à savoir si cette proximité va déboucher jeudi sur une abstention ou un vote négatif. En effet, l’affaire est autrement plus sérieuse qu’une adhésion à l’Unesco. En bénéficiant du statut d’État non membre, la Palestine pourra tout de même attaquer Israël auprès de la Cour pénale internationale (CPI), une perspective qu’ont en tête toutes les chancelleries occidentales. D’où l’importance du vote à l’ONU.
Par ailleurs, on peut s’interroger sur la motivation des abstentions possibles de la Côte d’Ivoire, duCameroun et du Togo. Est-ce le fait que les services de sécurité israéliens sont plutôt actifs dans ces pays qui explique leur non-vote d’il y a un an? Est-ce la volonté de ne pas se mêler d’une affaire qui peut paraître moins urgente que les problèmes auxquels est confrontée l’Afrique subsaharienne?
En tout état de cause, le vote africain de ce jeudi sera examiné à la loupe et révélera quels sont les pays du continent qui s’inscrivent sans complexes dans la vision étasunienne du mode de résolution du conflit israélo-palestinien

Akram Belkaïd (Quotidien d'Oran)
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mardi 27 novembre 2012

Entretien avec le Pr-Dr Piotr G. Champepeo (1)

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"Exhibé en public, le pain au chocolat peut générer des comportements violents"

Piotr G. Champepeo (*)

Le Professeur Piotr G. Champepeo est spécialiste de tout, de plus encore et d’ailleurs. Nous revenons avec lui sur la question du fameux pain au chocolat.

L’intervieweur.- Bonjour Professeur...
Pr. Piotr G. Champepeo.- Bonjour, je suis aussi Docteur en sciences politiques.

Bien Docteur, que pensez-vous des déclarations de Jean-François Copé à propos des pères de familles excédés par le fait que l’on ait volé le pain au chocolat de leur enfant pour le punir de ne pas observer le ramadan ?

Ecoutez, je ne reviendrai pas sur la polémique provoquée par cette affaire. Mais, il y a un élément qui mérite d’être signalé. Dans certains pays au Sud de la Méditerranée, le pain au chocolat est révélateur des carences des systèmes en place. De nombreux boulangers-pâtissiers trichent avec la quantité de chocolat utilisée et les consommateurs en éprouvent de la frustration et de la colère. Mettez-vous à leur place : ils achètent un pain au chocolat qui ne s’avère être que de la pâte avec quelques traces de poudre de cacao ! Dans d’autres cas, les boulangers en profitent pour écouler leurs vieux stocks de Cobiscal, ce qui a certainement des effets négatifs sur le plan de la santé de leurs clients. 

Il ne faut donc pas s’étonner que les populations d’origines étrangères soient aussi concernées par les pains au chocolat vendus en France. Cela leur rappelle de mauvais souvenirs et peut les pousser à mal réagir. Ainsi, le pain au chocolat, lorsqu’il est exhibé en public, peut générer des comportements violents lesquels relèvent certainement d’un stress post-traumatique qui n’a pas dit son nom. Voilà donc dans quel contexte il faut restituer cette tension autour d’une viennoiserie qui, par ailleurs, attend encore sa normalisation par la Commission européenne (poids, dimensions, teneur en chocolat noir, etc…). Une fois réalisée, cette standardisation métrologique mais aussi chimique pourrait faire l’objet de négociations entre Bruxelles et les pays du Sud de la Méditerranée dans le cadre de la non-politique de voisinage. Cela contribuerait à apaiser les frustrations que je viens d’évoquer et à faciliter une compréhension commune de la dégustation du pain au chocolat.

Propos recueillis par Aziouz F. Douglass

(*) Université d’Abilene. Dernier ouvrage : La géopolitique gustative dans l’œuvre de Christine Angot (Editions du Festi).
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Un escadron de la mort à Benghazi?

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SLATE AFRIQUE, 27 novembre 2012

Le chroniqueur Akram Belkaïd s'interroge sur la multiplication des assassinats dans la région de Benghazi. Il s'agirait de représailles contre des anciens collaborateurs du régime de Kadhafi.

Les funérailles du colonel Farag al-Dersi, chef de la sécurité libyenne, le 21 novembre 2012 à Benghazi. REUTERS/Esam Al-Fetori
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Existe-t-il un escadron de la mort qui sévirait à Benghazi et dans l’est de la Libye? C’est la question que se posent de nombreux observateurs qui s’inquiètent de la multiplication des actes de violences dans la région. Une interrogation ravivée par l’assassinat, le 21 novembre dernier à Benghazi, du colonel Farag al-Dersi, chef de la sécurité libyenne. Abattu de plusieurs balles alors qu’il rentrait chez lui, ce responsable est la dernière victime en date d’une série d’attentats, notamment à la voiture piégée, contre d’anciennes figures du régime de Mouammar Kadhafi.
Une violence récurrente qui a visé plusieurs militaires et agents de police - mais aussi d’anciens gardiens de prison et des magistrats - et qui laisse penser qu’une organisation clandestine serait derrière ces tueries. Ancien responsable de la lutte contre la drogue sous Kadhafi, Farag al-Dersi avait pourtant rejoint la rébellion libyenne dès le mois de février 2011, alors que le soulèvement populaire restait cantonné dans l’est du pays. Cet engagement précoce ne l’a donc pas sauvé des représailles qui visent les collaborateurs, fussent-ils modestes, de l’ancien régime.
Pour mémoire, le défunt avait été nommé à son poste de chef de la sécurité libyenne après l’attentat, le 11 septembre dernier, contre le consulat des États-Unis à Benghazi. Une action spectaculaire qui avait coûté la vie à l’ambassadeur américain Chris Stevens et à trois de ses compatriotes.
À ce jour, la lumière n’a toujours pas été faite sur cet attentat et la piste d’une action terroriste effectuée grâce à des complicités intérieures est de plus en plus évoquée. En tout état de cause, la nomination de Farag al-Dersi avait été interprétée comme une volonté du gouvernement libyen de reprendre les choses en main et de veiller à ce que la situation ne lui échappe pas à Benghazi. On peut d’ailleurs se demander si l’assassinat d’al-Dersi n’est pas en relation avec l’enquête qu’il menait sur l’attaque du consulat américain.

Des représailles contre les complices de Kadhafi

Mais, de façon générale, comment expliquer de tels attentats alors que Benghazi est censée être la ville qui a le plus bénéficié de la chute de l’ancien régime? L’hypothèse la plus fréquente consiste à désigner des islamistes radicaux décidés à n’accepter aucun pardon à l’égard de ceux qui auraient servi Kadhafi et qui auraient donc été complices de la persécution subie durant les années 1990.
Qu’ils soient de hauts gradés ou de simples policiers, tous seraient donc visés par des règlements de compte qui ne disent pas leur nom. Il faut dire aussi que dans la «Libye nouvelle», les accusations de collaboration avec les forces de sécurité de l’ancien régime sont très fréquentes et sont un véritable obstacle dans la volonté du nouveau pouvoir de faciliter la réconciliation.
Mais ce dernier n’est pas exempt de reproches non plus. De nombreux Libyens se disent frustrés par le fait que l’ancien régime n’a toujours pas été jugé de façon symbolique. Aucun ancien grand responsable n’a comparu devant les magistrats à commencer par Saïf al-Islam, le fils du Guide défunt. Nombre de procès prévus ont été reportés et on peut effectivement se demander s’il n’existe pas une volonté à haut niveau de recouvrir le passé d’une chape de plomb.
De quoi inciter les groupes armés qui sévissent dans l’est du pays à poursuivre eux-mêmes leur «justice» expéditive. Et, surtout, de quoi ouvrir la voie à encore plus de désordres et de divisions.

Akram Belkaïd
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dimanche 25 novembre 2012

La chronique du blédard : De Gaza, de l'impuissance arabe et de la normalisation avec Israël

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 22 novembre 2012
Akram Belkaïd, Paris

Il arrive, et c’est rare, que le sujet de la chronique s’impose de lui-même. C’est le cas cette semaine où il est impossible de ne pas évoquer la situation dramatique de Gaza. Mais écrire pour dire quoi ? Et pourquoi faire ? Pour se sentir mieux ? Pour établir les sempiternels constats à propos des traitements médiatiques spécieux, à l’image de cette radio française qui met sur le même pied d’égalité – en termes de capacité de destruction - les bombardements des F16 israéliens et les roquettes du Hamas (*) ? Pour dénoncer, en vain, la sournoise propagande anti-palestinienne de BHL ? Pour clamer une indignation partagée par des millions de gens écœurés par des massacres quotidiens ? La vérité, c’est qu’écrire sur le sort des Palestiniens, qu’ils soient de Gaza, de Cisjordanie ou de la diaspora, c’est traduire et composer avec une colère impuissante. Une colère que tout être qui respecte la dignité et les droits de la personne humaine ne peut que partager.

J’ai relu plusieurs textes publiés fin 2008 et début 2009, lors de la précédente attaque israélienne. Rien n’a changé depuis et l’on se rend compte que ni l’élection d’Obama ni le Printemps arabe n’ont modifié la donne. Les Palestiniens de Gaza restent à la merci des agissements israéliens et toutes les protestations du monde ne peuvent rien contre. On connaît les raisons de cette situation. Les grands de ce monde, qu’il s’agisse des Etats-Unis ou de l’Europe, ne veulent pas forcer la main d’Israël et l’obliger à respecter les droits d’un peuple qui est sur sa terre. Un peuple martyr que l’Etat hébreu parque et violente comme du vulgaire bétail. Bien sûr, il y a aussi les dirigeants arabes, tous plus ou moins tenus par l’Oncle Sam, qui s’avèrent incapables d’instaurer le moindre rapport de force avec le protecteur d’Israël. Et dire que les fonds souverains du Golfe et leurs milliards de pétrodollars sont au chevet des économies occidentales…

Quant aux opinions publiques arabes, le fait est qu’elles se sont endormies. Qu’on le veuille ou non, elles ont fini par oublier les Palestiniens d’autant que nombre de leurs propres élites se sont précipitées dans la normalisation avec Israël. Or, le fond du problème est toujours le même. Un peuple attend toujours son Etat et le respect des résolutions de l’ONU qui fixent ses frontières avec Israël. Gaza, contrairement à ce que laissent entendre une partie des médias occidentaux – et notamment français – n’est pas un Etat indépendant (pas plus, d’ailleurs, que ce qui reste de la Cisjordanie palestinienne). Ce n’est même pas un bantoustan et ceux qui y vivent n’ont pas le droit de le quitter librement. C’est une bande de terre qui n’a aucune souveraineté, y compris maritime ou aérienne. Comme le montre l’actualité de ces derniers jours, les Israéliens peuvent y faire ce qu’ils veulent et quand ils le veulent. Pourquoi se gêneraient-ils ? La normalisation avec nombre de pays arabes a conforté les dirigeants israéliens dans leur conviction que tout peut être infligé aux Palestiniens.

Il y a quelques jours des amis français m’ont demandé ce que je pensais des nombreuses visites de personnalités arabes en Israël. Ecrivains, imams, hommes politiques : nombreux sont celles et ceux qui ont pris le chemin de Tel-Aviv et cela ne date pas d’hier puisque le mouvement s’est enclenché, certes dans une plus grande discrétion, au milieu des années 1990 (au moins à l’époque, l’euphorie des accords d’Oslo pouvait-elle expliquer ce genre d’initiative). Contrairement à certains de mes confrères (et amis) qui n’ont pas eu de mots assez durs pour fustiger ce genre de déplacement, je pense que cela peut être une bonne chose que de se rendre en Israël mais il y a une obligation majeure que tous ces visiteurs se sont bien gardés de respecter.

On peut aller là-bas, mais à la condition d’avoir le courage de dire sur place qu’il ne pourra jamais y avoir de normalisation entre les peuples arabes (ne parlons pas des gouvernements) et les Israéliens tant que les Palestiniens n’auront pas d’Etat. Et tant que ces derniers n’auront pas signifié au reste du monde que la page de plusieurs décennies de conflit peut être enfin tournée. Ceux qui se sont rendus en Israël ces derniers temps sans oser la moindre critique à l’égard du gouvernement Netanyahou et de la manière dont sont traités les Palestiniens sont à mettre dans le même sac que les minables intrigants qui – pour diverses raisons matérialistes et autres stratégies médiatiques personnelles - ont applaudi à la guerre de janvier 2009 au prétexte qu’elle était menée contre les islamistes du Hamas. Aujourd’hui, ces adeptes d’une normalisation prématurée ont eux aussi du sang gazaoui sur les mains. La fermeté et le refus de la compromission avec Israël peuvent-ils servir à quelque chose quand on sait que ce pays – et une grande partie de sa population – sont saisis par le vertige de la puissance ? Oui, car Israël, malgré les discours grandiloquents qui le présentent comme une tête de pont occidentale au Proche-Orient, reste obsédé par son acceptation par le monde arabe.

Terminons ce texte en déplorant le cynisme avec lequel nombre d’Algériens commentent le sort des Palestiniens. On peut ainsi les entendre dire que ce qui se passe à Gaza (ou en Syrie) ne les intéresse guère dans la mesure où eux mêmes appartiennent à un peuple qui a été oublié de tous pendant les années 1990. C’est une vision fallacieuse de l’histoire. De Naplouse à Gaza mais aussi de Bagdad à Bassorah, le sort des Algériens n’a jamais laissé indifférent le reste du monde arabe. Et quand bien même cela aurait été le cas, ce n’est pas une raison pour hausser les épaules en considérant que ce qui arrive aux Palestiniens ne nous concerne pas. Plus que jamais, ce peuple a besoin d’aide, de soutien et d’engagements. Ce n’est, ni plus ni moins, qu’une question d’honneur et de justice.
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Chronique économique : La Banque mondiale et l'apocalypse climatique

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 21 novembre 2012
Akram Belkaïd, Paris


Tout arrive ! Il fut un temps où les grandes institutions financières doutaient de la réalité du changement climatique et se rangeaient dans le camp des climato-sceptiques. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Aucune instance multilatérale ne doute de cette évolution et seuls les lobbies professionnels (pétrole, chimie, transports, etc.) continuent d’activer pour empêcher la mise en place de législations contraignantes. Il n’est donc pas étonnant que la Banque mondiale mette en garde contre les conséquences catastrophiques d’un réchauffement de la planète. Cela vient de se faire par le biais d’un document élaboré pour elle par l’Institut de Postdam (un organisme spécialisé dans la recherche sur le changement climatique).

UN SCENARIO EFFRAYANT


Que dit ce document ? Le fait le plus marquant est qu’il prédit une hausse de la température de quatre degrés centigrades d’ici 2060, autrement dit après-demain. On le voit, on est loin de la limite que la communauté internationale s’est fixée à savoir une hausse de deux degrés au maximum (seuil qui serait, de toutes les façons, catastrophique pour l’humanité). Du coup, c’est un scénario apocalyptique que dresse l’étude dans la perspective d’une augmentation de pareille ampleur. Qu’on en juge : en 2060, la Terre pourrait être confrontée à des catastrophes naturelles récurrentes d’une rare violence. Sans oublier des phénomènes extrêmes comme des sécheresses, ce qui aurait pour conséquence directe, la baisse dramatique des stocks alimentaires ainsi que la disparition de nombreux écosystèmes. Et last but not least, le document affirme aussi qu’aucune région du globe ne sera épargnée, ce qui rend donc urgent une prise de conscience mondiale du phénomène.

Cette sortie de la Banque mondiale va-t-elle modifier une tendance qui se confirme d’année en année à savoir que la température terrestre augmente de manière inexorable ? Il faudrait pour cela que les Etats et les intérêts privés s’entendent sur une action d’urgence. Et, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on en est loin. A ce jour, la dynamique née du lancement du protocole de Kyoto en 1997 est à la recherche d’un second souffle. Au nom de la croissance et de l’emploi, de nombreux pays émergents refusent de brider leurs émissions de gaz à effet de serre (ges) tandis que leurs homologues développés ont repris leurs mauvaises habitudes. C’est le cas, par exemple, du Canada, pourtant signataire du Protocole de Kyoto et dont l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels a fait exploser ses émissions de ges.

Fait notable, la Banque mondiale affirme qu’il faut cesser d’opposer lutte contre le réchauffement climatique et croissance économique. Selon elle, les efforts menés pour réduire les émissions de ges doivent être considérés comme une perspective supplémentaire de développement pour les entreprises. C’est le cas notamment dans le bâtiment ou même dans les transports. De même, juge l’institution de Washington, les subventions accordées à travers le monde aux carburants pourraient être réorientées vers des secteurs innovants dédiés à la lutte contre le réchauffement climatique. Sur le papier, un tel transfert serait idéal mais, dans la réalité, les choses sont bien différentes. Allez expliquer à un ouvrier de la banlieue du Caire ou de Djakarta qu’il doit renoncer à prendre le bus ou sa mobylette pour aller travailler…


L’ALGERIE DOIT SE PREPARER


La mise en garde de la Banque mondiale est un avertissement à prendre au sérieux. Dans la perspective d’une confirmation inéluctable de son scénario, il est indispensable qu’un pays comme l’Algérie prenne ses dispositions à commencer par la mise en place d’une stratégie de sécurité alimentaire. Car, contrairement à ce que croient certains naïfs actuellement impressionnés par le niveau record des réserves de change, avoir de l’argent ne suffira pas pour pouvoir manger en 2060. C’est donc maintenant que cette future bataille, celle de nourrir le peuple algérien, se prépare. Encore faudrait-il en prendre conscience et accepter l’idée que le réchauffement climatique concerne aussi l’Algérie.
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samedi 24 novembre 2012

Ah, l'UMP...

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- Selon des sources anonymes et non confirmées, l'UMP aurait dépêché deux émissaires à Alger pour solliciter "le savoir-faire algérien" en matière d'annulation du processus électoral.

C'est officiel, l'UMP a commandé une nouvelle viennoiserie pour célébrer le triomphe de J-F Copé : Le pain au chocolat et à la noix de cocoe.

Cocoe, quel nom ridicule... On imagine sans peine les calembours. T'as le look Cocoe - Jean-François Cocoepé. - Cocoe-ouha. Etc.

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Remise du prix lycéen 2012 du livre de Sciences Economiques et Sociales

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Jeudi 22 novembre à l'ENS Lyon, j'ai reçu le Prix lycéen 2012 du livre de Sciences Economiques et Sociales pour Etre Arabe Aujourd'hui (carnetsnord). Ce fut une rencontre stimulante avec une soixantaine de lycéens. Débats et échanges constructifs mais aussi instructifs pour l'auteur...

Merci à Fabien Meynier, à son collègue Julien, à Afifa Zenati, à Pierre Mercklé, à tous les lycéens ayant participé à ce prix sans oublier et à celles et ceux qui ont participé à cette journée et dont l'accueil a été des plus chaleureux. 

Recevoir un tel prix, venant de lycéens, c'est à dire loin, très loin, des habituelles influences et combines qui entourent la remise d'autres prix, est à la fois un honneur mais aussi une très grande satisfaction. On se dit alors qu'écrire en vaut la peine...

Prix lycéen 2012 du livre de Sciences Economiques et Sociales

Akram Belkaid, Etre Arabe aujourd'hui (2011)


Présentation du prix 2012

Pour sa 11ème édition, le prix lycéen 2012 du livre de Sciences Economiques et Sociales a été attribué au journaliste et essayiste Akram Belkaid[1] pour Etre Arabe aujourd'hui (Ed. Carnets Nord, sept 2011). Cette année, le thème du "printemps arabe" aura focalisé l'intérêt des lycéens. L'ouvrage d'Akram Belkaid, spécialiste du monde arabe, revient sur la genèse de ce mouvement et donne des pistes sur les devenirs possibles de ces pays. Il fait un portrait sans concessions de ce "nouveau" monde arabe, qui doit encore affronter des questions essentielles à sa reconstruction : quelle est désormais la place de l'islamisme dans ces sociétés ? L'économie sera-t-elle un tremplin ou un frein au développement politique ? Un ouvrage qui permet réellement selon les lycéens d'expliquer et de comprendre les événements arabes.
Les votes des lycéens ont aussi classé deux autres ouvrages, Les Chinois à la conquête de l'Afrique, de Jean Jolly, et Les Rémunérations obscènes, de Philippe Steiner. Fidèle à sa tradition, le prix de SES récompense des ouvrages aux profils et aux thèmes divers, abordant des thèmes d'économie ou de sciences sociales contemporains.
Rappelons que ce prix lycéen du livre de Sciences économiques et sociales est décerné par des élèves de classes de premières et terminales ES, qui lisent pendant l'année scolaire, avec l'appui de leurs enseignants, des ouvrages sélectionnés parmi des publications de l'année en cours. Les lycées participants organisent la circulation des ouvrages, l'échange de point de vue, les discussions et les critiques.
Le prix lycéen a connu cette année un nombre de votants et de lycées participants record (60 établissements, soit autant que le prix Goncourt des lycéens !), ce qui confirme 11 ans après sa création l'engouement que peut susciter les ouvrages d'économie et de sociologie auprès des lycéens.
Fabien Meynier, coordinateur national du prix lycéen du livre de Sciences Economiques et Sociales

Le prix lycéen du livre de SES

Le prix lycéen reçoit le parrainage du magazine Alternatives Economiques, du site Lectures.org et de la MGEN. Dix livres parus dans l'année en cours sont proposés par Liens Socio et Alternatives Economiques, et constituent la sélection officielle. Les 10 livres de la sélection sont disponibles à la mi-septembre. Chaque établissement classe, à partir des discussions et des critiques, un trio d'ouvrages en fin d'année scolaire. L'ensemble des classements permet de déterminer l'ouvrage récompensé. La remise officielle du prix à son auteur, en novembre, se fait en présence d'élèves et de la presse économique.
Cette remise aura lieu cette année à Lyon, dans les locaux de l'Ecole Normale Supérieure, le 22 novembre 2012.
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mardi 20 novembre 2012

De l'usage médiatique du mot "tsahal"

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Actualité oblige, il ne se passe pas une journée sans que les radios et télévisions françaises ne nous infligent quelques considérations et commentaires à propos de l'armée israélienne. Souvent, trop souvent, cette dernière est désignée par le terme "tsahal" et cet emploi est loin d'être neutre :

Voici ce qu'en dit un guide élaboré en 2007 à l'intention des journalistes de Radio France :

Tsahal : (acronyme de tsa hagana léyisrael - armée de défense d'israël) a acquis une connotation familière synonyme d'attachement très fort pour les israéliens qui s'en servent comme on le fait d'un diminutif chargé d'affection dans le sens "notre armée". Conclusion : ne pas utiliser.

A l'évidence, nombre de journalistes de Radio France n'ont pas lu ce guide. Lequel, devrait d'ailleurs être adressé aux autres radios et télévisions. Car, c'est bel et bien le problème de la proximité (réelle ou non)  avec les médias français et l'armée israélienne qui est posé. Certes, nombre de journalistes emploient ce mot pour éviter une répétition ou pour situer géographiquement le sujet. Dans ce cas, c'est juste une question d'ignorance et de manque de professionnalisme.

Mais, il y a aussi le cas où l'emploi de ce terme est destiné à mettre en exergue une certaine proximité avec Israël et les Israéliens. C'est le cas de correspondants permanents ou d'envoyés spéciaux qui, au final, ne se rendent même pas compte que c'est de nature à jeter la suspicion sur leur objectivité.
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lundi 19 novembre 2012

La chronique du blédard : Appuyez sur F3 et chantez la Traviata pour relancer votre ordinateur

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 15 novembre 2012
Akram Belkaïd, Paris

Soudain, l’écran devient bleu. On pianote, on clique, on scroll, on contrôle-alte mais rien à faire. Tout est figé et la machine ne répond plus. Horreur, stupeur, on réalise que le texte saisi depuis une bonne demi-heure est certainement perdu. Oui, impardonnable erreur de débutant que celle qui consiste à commencer la saisie sans avoir nommé et préenregistré le fichier. Mais le présent chroniqueur appartient à une vieille école. Celle qui consiste à titrer son papier en bout de course et jamais au départ. N’en déplaise à un rédacteur en chef moustachu et lecteur occasionnel de cette chron, décider à l’avance de la titraille, c’est se contraindre et interdire à l’inspiration de guider le curseur vers d’autres idées. Bref, le texte s’est sûrement envolé car on sait les clopinettes que vaut le programme de récupération des données.

Que faire ? Puisque le gestionnaire de tâches ne veut rien entendre, il ne reste plus qu’à éteindre et rallumer la machine. C’est l’astuce suprême, le seul remède que des légions d’informaticiens conseillent avec un brin de fatigue désabusée dans la voix. Eteignons et rallumons donc en appuyant sur le même bouton (c’est l’une des étrangetés de l’informatique mais elle n’étonne plus personne). Bon, ça repart et on récupère un bon tiers du texte saisi. On respire, on se calme non sans avoir insulté la mère de Bill Gates et celle de monsieur Sony. Les phrases s’enchaînent vite car, miracle de la mémoire humaine (et non pas celle de l’ordinateur) tout y est encore frais. Surtout ne pas tarder et ne pas oublier d’enregistrer le fichier toutes les dix secondes... Première version terminée. Il ne reste plus qu’à chercher quelques statistiques supplémentaires.

Allons sillonner la grande toile électronique. Tiens, nouvelle alerte. La machine peine et a du mal à répondre. Est-ce une impression mais on dirait qu’elle fait un bruit de ventilateur. Ah, voici qu’un message s’affiche. « Le plug-in suivant ne répond pas : souhaitez-vous interrompre Skype Click to call. Oui-Non ? ». Du Chinois… Jamais entendu parler de ce plug machin-chose. On clique sur « non ». Rien ne se passe. On clique sur « oui ». On secoue la souris. Toujours rien. Les doigts se crispent, les dents se serrent et la pression sanguine augmente. Les bouffées de chaleur sont de plus en plus fréquentes et des envies de meurtre tournoient dans la tête. Le blasphème est au bout des lèvres.

Restons zen. Eteignons encore cette… Bon, restons correct : éteignons cette machine. La voici qui repart. Tout va bien, le texte n’a pas disparu. Une petite voix conseille de l’enregistrer sur une clé USB. Bonne idée. Mais, que se passe-t-il encore ? L’ordinateur ne semble pas la reconnaître. Elle est pourtant bien fichée mais le poste de travail ne la détecte pas. Tant pis. Ce n’est pas le moment d’aggraver les choses. Relançons le navigateur et surfons. Dix minutes de travail, et v’la qu’ça recommence ! Nouveau message : « User has explicitely denied access to client ». Bon… Je ne connais pas ce user ni pourquoi il interdit l’accès à son mystérieux client.

Et ce qui devait arriver arrive. Tel l’éclair, les mains ont fusé, cognant le clavier, manquant de déchirer, oui c’est bien le verbe qu’il faut, l’écran. On s’arrête à temps, avant de commettre cet irréparable qui consisterait à jeter la machine par le balcon pour éprouver une satisfaction des plus sadiques. Plus ou moins calmé, on se résout à appeler un spécialiste (hum…) de la question. Lequel, est-ce une surprise, commence par conseiller d’éteindre et de rallumer la machine. Puis, à distance, le voici qui dicte quelques instructions aussi ésotériques les unes que les autres. On pense alors à ce que dit souvent un éminent linguiste ténésien à propos de l’informatique : de la sorcellerie, de l’improvisation et l’art d’exploiter la crédulité générale.

Bon, finit par grommeler l’autre voix au bout du fil, ça ne peut-être qu’un virus. Ah, bon ? s’écrie-t-on. Pourquoi aujourd’hui et pas hier ? Et puis, l’anti-virus, bien onéreux, n’affirme-t-il pas qu’« aucun problème n’affecte l’état de sécurité de ce PC ? ». Ça ne veut rien dire, s’impatiente l’expert qui conseille d’aller faire examiner l’objet. Que faire d’autre, si ce n’est prier. Ou alors tenter quelques exorcismes, sait-on jamais. Chanter la Traviata puis monter sur sa chaise en imitant Johnny Weissmuller au Jardin d’essai. Ou encore, allumer un bâton d’encens et faire passer la fumée sur l’écran et le clavier ? Vous riez, mais que faites-vous d’autres quand on vous conseille d’appuyer sur la touche F9 tout en pressant sur la barre espace ?

A la fin des années 1990, quand l’informatique était aussi infernale qu’elle ne l’est aujourd’hui, une blague a fait un tabac sur l’internet naissant. Prenant la parole à un congrès informatique, Bill Gates, alors patron de Microsoft, se serait moqué de l’industrie automobile pour ses prix élevés et son manque de progrès technologiques malgré un siècle et demi d’existence. Cela contrairement à l’informatique qui, à le croire, ne cesserait jamais de s’améliorer et, qui plus est, à un rythme  exponentiel. Cette sortie aurait valu au riche bigleux une cinglante mise au point de la part d’un dirigeant de General Motors. Pour ce dernier, une évolution de l’industrie automobile comparable à celle de l’informatique mènerait aujourd’hui aux situations suivantes : des accidents incompréhensibles deux fois par jour, des pannes inexpliquées obligeant à redémarrer le moteur à chaque fois, des airbags ne se déclenchant qu’après que le conducteur ait répondu de manière positive à la question « êtes-vous sûr ? »,… « Occasionnellement, stipulait aussi la réponse, la condamnation centralisée de la porte se bloquerait. Vous ne pourriez alors la rouvrir qu’au moyen d’une astuce, comme par exemple, simultanément tirer la poignée de la porte, tourner la clé dans la serrure et, d’une autre main, attraper l’antenne radio. » Voilà qui est bien dit. Pressez F6, reniflez et fermez l’œil gauche pour relancer le programme…

Il est trop tôt pour l’affirmer mais la civilisation moderne a peut-être raté le coche dans les années 1990. C’est à cette époque que les informaticiens se sont imposés comme les nouveaux alchimistes détenteurs d’un savoir inaccessible pour le reste de l’humanité. Pour y mettre bon ordre et éviter qu’un plug-in ne plante l’user, son client et je ne sais quelle autre entité fantôme, il aurait fallu en prendre quelques uns au hasard et les fesser, voire au pire, les pendre ou les brûler, en place publique. Cela aurait eu valeur d’exemple. Remarquez, il est toujours temps de le faire…
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vendredi 16 novembre 2012

Hommage à Sattar Beheshti

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Le blogueur iranien Sattar Beheshti, arrêté le 30 octobre, est mort en prison. 
Voici un extrait de son dernier post daté du 29 octobre (source Courrier international).

"La République islamique s'inquiète du sort de la Palestine, du Bahreïn et de nombreux pays. Elle se plaint de l'absence de libertés de parole et du manque d'information dans ces pays, mais les dirigeants iraniens sont muets face à l'état épouvantable des droits de l'homme dans notre pays. Ils ne parlent pas des arrestations, tortures, emprisonnements et pendaisons qui ont lieu quotidiennement".

A l'heure où Israël bombarde de nouveau Gaza, ce propos rappelle la difficulté d'être un démocrate épris de liberté dans de nombreux pays musulmans. Difficile, en effet, de s'opposer à un régime qui prétend être l'étendard des libertés pour les Palestiniens. Difficile de réclamer sa propre justice quand on vous oppose le sort misérable d'un peuple asservi et persécuté par les Israéliens.

Mais la voie existe. Elle est étroite, inconfortable mais réelle. Elle consiste à s'opposer à tous les oppresseurs et à refuser de ployer devant le tyran au prétexte qu'il défendrait les Palestiniens (et d'ailleurs, que fait concrètement le régime des mollahs pour ces derniers ?).

Sattar Behesti a opté pour cette ligne de conduite. Il en a payé le prix fatal. Son combat ne doit pas être oublié.

Pour en savoir plus :

- Iran accused of torturing blogger to death

- Iran says Sattar Beheshti was not tortured before death

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jeudi 15 novembre 2012

La chronique économique : L’AIE relance le débat sur les gaz de schiste

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Le Quotidie d'Oran, mercredi 14 novembre 2012
Akram Belkaïd, Paris

Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a jeté un pavé dans la mare concernant le débat, très polarisé, à propos des hydrocarbures non conventionnels. Dans son dernier rapport sur les perspectives énergétiques mondiales (World Energy Outlook), l’Agence basée à Paris a annoncé que les Etats-Unis sont en bonne voie vers l’indépendance énergétique grâce notamment au gaz et pétrole de schiste. Ainsi, ce pays deviendrait le premier producteur mondial de pétrole en 2020 et un exportateur net de brut entre 2030 et 2035, reléguant derrière lui la Russie, l’Arabie saoudite et les autres monarchies pétrolières du Golfe. On imagine sans peine les bouleversements géopolitiques que cela devrait induire…


L’AIE est dans le camp des pays consommateurs


Avant d’aller plus loin, il faut tout de même préciser que l’AIE n’est pas un acteur neutre et impartial. Dans le bras de fer permanent que se livrent les producteurs (surtout ceux membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole, Opep) et les consommateurs (Etats-Unis, Europe, Japon), cette agence est clairement dans le camp des seconds et sa mission principale est de faire en sorte que l’offre en énergie soit la plus abondante possible. Du coup, on comprend pourquoi son économiste en chef Fatih Birol estime que les gaz de schiste peuvent être exploités sans dommages pour l’environnement (à condition, précise-t-il néanmoins, que l’industrie pétrolière consente de gros investissements).

Ceci étant précisé, et comme indiqué dans une précédente chronique (*), il ne faut pas se mentir. Les Etats-Unis, même sous la nouvelle présidence d’Obama, ne vont certainement pas sacrifier l’exploitation des hydrocarbures non-conventionnels. De même qu’Ottawa avec les sables bitumineux de l’Alberta, Washington n’aura aucun scrupule à endommager une partie de son propre environnement pour répondre à sa demande énergétique interne et pour contenter les lobbies pétroliers. Car ce n’est pas qu’une question d’indépendance en matière d’hydrocarbures qui se pose. Pour les Etats-Unis, comme pour le Canada, c’est tout simplement le retour à des taux importants de croissance économique qui est en jeu. Il suffit de se renseigner sur le dynamisme des marchés de l’emploi en Alberta (sables bitumineux) ou dans les deux Etats du Dakota (gaz de schiste) pour en prendre conscience.

Cela signifie que les indignations et protestations des défenseurs de l’environnement risquent de ne pas suffire. Car, encore une fois, c’est une question de civilisation qui est en train de se jouer et le plus fort va imposer sa loi y compris à l’intérieur de ses frontières. Au Canada comme aux Etats-Unis, les organisations écologiques tentent vaille que vaille de stopper les exploitations d’hydrocarbures non conventionnels mais les opinions publiques, sensibles aux questions d’emplois et d’autosuffisance énergétique, sont loin d’être convaincues d’autant que les pouvoirs politiques sont peu transparents sur ce dossier. Question importante : quel pays, quel dirigeant mondial sera capable d’aborder ce dossier dans une enceinte comme l’Onu ? Au passage, on devine pourquoi il n’existe pas à ce jour d’Organisation mondiale pour l’environnement car cette dernière aurait été l’instance idéale pour freiner, voire pour encadrer, le développement des gaz de schiste.


Les pessimistes pas assez réalistes ?


Par ailleurs, cette nouvelle donne énergétique donne finalement raison aux optimistes qui n’ont jamais cru au proche déclin des hydrocarbures. Alors que les pessimistes, dont des géologues reconnus, avançaient que le pic pétrolier (moment où la production mondiale atteint son plafond) interviendrait en 2020, les projections avancées par l’AIE tendent à démontrer le contraire. En clair, cela signifie que l’âge du pétrole et du gaz ne semble pas près de s’interrompre même si le coût environnemental sera de plus en plus élevé.

(*) Les gaz de schiste : nouvelle manne ou future calamité, 7 novembre 2012.
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mardi 13 novembre 2012

La chronique du blédard : Obama réélu mais la magie a disparu

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 08 novembre 2012
Akram Belkaïd, Paris

Barack Obama a donc réussi son pari en étant réélu à la présidence des Etats-Unis d’Amérique. Comme en 2008, des millions de non-étasuniens ont suivi avec intérêt la nuit électorale, ses débats et son suspense. Pour autant, la magie d’il y a quatre années n’était pas au rendez-vous. Dissipé le grand moment historique qui a tant fait pleurer dans les chaumières et remisées les tirades empreintes d’émotion et leur désormais ringard « yes, we can ». Disparu le sentiment d’admiration à l’égard d’un pays capable de choisir un métis à sa tête, cinquante ans à peine après les terribles batailles pour les droits civiques et contre la ségrégation.

Tout cela est oublié car c’est peu dire qu’Obama a déçu à l’intérieur comme à l’extérieur de ses frontières. Attentiste, velléitaire, incapable de dicter sa loi aux flibustiers de Wall Street mais aussi va-t-en guerre, grand ordonnateur de tueries par drones interposés et, ne l’oublions pas, incapable, malgré sa promesse électorale de 2007, de procéder à la fermeture du camp de Guantanamo : les griefs et les déceptions ne manquent pas. Pour sa défense, les uns citent la violence de la crise économique à laquelle le président américain n’était pas préparé. D’autres, insistent sur le fait que son action réformatrice a été entravée par un Congrès entre les mains de Républicains poussés à la radicalisation par le mouvement ultra-doitier du Tea Party. On relèvera que le président réélu a pourtant eu la majorité dans les deux Chambres durant la première moitié de son mandat et qu’il n’a guère exploité cet avantage.

Obama ne sera donc pas le nouveau Carter, ce président démocrate (1976-1980), battu par Ronald Reagan et devenu depuis le symbole d’une certaine naïveté du centre-gauche américain. Mais on sait ce qu’est devenu Carter. Une conscience internationale, un homme de paix, ce que ne pourra être Obama malgré le Prix Nobel qu’il a reçu. Dans les mois qui viennent, il faut s’attendre à ce qu’il enfile de nouveau son costume de chef de guerre avec comme possibles théâtres d’opérations le Mali, l’Iran voire la Syrie. En tous les cas, on aura compris qu’un président américain est toujours le continuateur de la politique internationale de ses prédécesseurs.

C’est pourquoi il ne faut pas espérer de miracle concernant le drame palestinien. Au cours des quatre dernières années, les défenseurs d’Obama ont expliqué que le président américain ne pouvait s’attaquer de front à ce dossier sans mettre en danger sa réélection. Le voici reconduit pour quatre ans à la Maison-Blanche mais qui peut croire qu’il pourra imposer aux Israéliens d’évacuer les colonies de Cisjordanie et d’accepter la création d’un Etat palestinien ? Le veut-il, lui qui s’est opposé à la proclamation unilatérale de cet Etat ? Et, le voudrait-il, rien ne dit qu’il prendra le risque de mettre dans l’embarras le futur candidat démocrate à l’élection présidentielle de 2016.

En tout état de cause, l’un des grands vainqueurs de cette élection s’appelle K-Street. Il s’agit de cette rue de Washington où l’on trouve des centaines de bureaux de lobbyistes chargés d’activer autour des membres du Congrès (sénateurs et représentants) voire auprès de la Maison-Blanche. Les sommes injectées dans la campagne par ces groupes de pression donnent le tournis : Au moins deux milliards de dollars si on se limite à la seule élection présidentielle. Qui peut encore prétendre que la démocratie américaine n’est pas malade ? Réalise-t-on qu’il faudra trois milliards de dollars pour être élu président des Etats-Unis en 2016 ?

Bien sûr, on peut penser, comme l’artiste contestataire chinois Ai Weiwei, que l’Amérique peut être fière de sa démocratie sans élections truquées ni grands incidents. En Chine, comme dans n’importe quel pays sous régime dictatorial, les Etats-Unis incarnent encore un idéal démocratique, un but à atteindre pour garantir la liberté de tous. On peut estimer que cette vision est naïve et qu’il existe des démocraties bien plus saines – et moins corrompues par l’argent – comme c’est le cas pour les pays scandinaves ou le Canada. Il n’empêche, l’attraction que l’Amérique exerce sur le reste du monde reste intacte et c’est là sa force.

Mais ne boudons pas notre plaisir. La victoire d’Obama fait aussi plaisir car elle est une gifle cinglante sur la tronche de tout ce que l’Amérique compte comme déplaisances. Tous ces réactionnaires, ces fous furieux d’extrême-droite sans oublier FoxNews, bien sûr, cette chaîne de propagande qui est au journalisme ce qu’est la margarine à la cuisine au beurre. La réélection d’Obama met déjà ces mauvaises gens dans un état de rage folle. Qu’elle les étouffe a-t-on envie d’écrire. Il y a aussi ce Sheldon Adelson, treizième fortune mondiale, propriétaire de casinos et soutien déclaré d’Israël où il possède plusieurs intérêts économiques dont un journal gratuit. Cet homme a versé des centaines de millions de dollars pour faire battre Obama, et le punir de ne pas s’être totalement allongé aux pieds des dirigeants de l’état hébreu. Au final, son argent sale est parti en fumée. Cela fait du bien, cela fait rire et ricaner. Et rien que pour cela, la réélection d’Obama en vaut tout de même la peine…
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lundi 12 novembre 2012

Des aboiements à l’aube

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Relu cette ancienne chronique. Souvenirs oppressants et toujours présents



La chronique du blédard : Des aboiements à l'aube
Le Quotidien d'Oran, jeudi 25 janvier 2007
Akram Belkaïd, Paris

J’ai eu du mal à réaliser ce qui se passait ; du mal à comprendre de quoi il s’agissait. Bien avant l’aube, des aboiements furieux m’ont arraché à un sommeil conquis tardivement. Dans le no man’s land qui sépare la terre des songes de la première conscience, j’ai d’abord pensé que je m’éveillais dans ce qui fut longtemps ma chambre, quelque part dans les hauteurs d’Alger, à la lisière d’une forêt d’eucalyptus dont il demeure encore quelques vestiges, et de vergers décimés par le béton. Le plus étonnant, c’est que je n’ai pas cru que ce retour à la perception des choses se faisait dans les temps actuels. Non, tout en déchiffrant les signes rouges du radio-réveil, j’étais persuadé, vraiment persuadé, d’être à Alger, à l’orée des années 1990 quand la tempête levait.
Toute la distance parcourue entre cette date éloignée et le moment où, la veille, j’avais réussi à m’assoupir, n’était plus qu’un simple point qui effaçait tout vécu et que résumait une pensée sortie du coton nocturne : « tout cela n’a été qu’illusions, bonnes et mauvaises ». Je m’éveillais donc avec une sensation mitigée, mélange de celles éprouvées quand on réalise que l’on a juste rêvé, ou, au contraire, que l’on a réussi à s’extirper d’un mauvais cauchemar. Il n’y avait pourtant ni soulagement ni regrets mais juste un peu de surprise.
Ainsi, mon cerveau me commandait-il de me croire à Alger, plus jeune d’une bonne quinzaine d’années, écoutant avec inquiétude les bruits en provenance des environs, m’attendant à saisir de vaines alarmes relayées parfois par des appels sortis des minarets. Convaincu d’être revenu à cette « époque-là », je guettais le moment où allaient claquer les premières détonations, ces jets aux sonorités sphériques qui font la caractéristique des rafales d’armes automatiques russes. Je savais que viendrait ensuite un bref silence, très vite troublé par de nouveaux tirs accompagnés par de longs aboiements apeurés.
Dans le même laps de temps, je craignais de percevoir le ronflement des véhicules lourds et me demandait s’il ne valait pas mieux grimper sur les citernes de la terrasse afin d’y attendre le petit jour ou d’y rester au moins jusqu’à ce que, un peu honteux, je me sente rassuré par le spectacle d’un convoi aux fenêtres grillagées s’éloignant, avec à son bord, un voisin dont je me dirais, très vite, sans trop réfléchir, que cela lui pendait au nez.
Dérouté par ma méprise, j’ai fini par reprendre mes sens et revenir à la réalité. Comment avais-je pu croire, ne serait-ce qu’un seul instant, et même au réveil d’une courte nuit, que tout ce qui a réellement précédé depuis tant d’années n’avait été qu’inventions oniriques ? Et puis, j’ai compris. C’était la faute aux chiens. Avec leur vacarme, ils m’avaient fait reculer de plus d’une décennie en ouvrant par effraction la vanne de ces souvenirs que je pensais avoir réussi à bien caler au fond d’une caisse hermétique.
Cela peut paraître paradoxal, mais on entend très peu les chiens aboyer à Paris, surtout la nuit. Leurs maîtres les dressent pour se taire et ceux qui n’obéissent pas provoquent la colère et les pétitions des voisins. Dans mon immeuble, de temps en temps, il y a bien un caniche qui proteste, ses petits hoquets ridicules indiquant que ses maîtres ont vraisemblablement oublié de le sortir pour qu’il aille déposer ce qui reste de sa digestion sur le trottoir. Mais cela s’arrête là. Parfois aussi, de jour, deux canidés peuvent se chercher noise durant quelques minutes sous le regard indulgent ou inquiet, c’est selon, de mamies désoeuvrées. De petites batailles dérisoires qui ne font même pas se retourner.
Mais cette nuit-là, il s’agissait bel et bien d’une meute déchaînée. Je me suis finalement levé et par la fenêtre froide où glissaient quelques écailles rondes, je l’ai aperçue galopant sur le terre-plein en béton, le long de la voie ferrée. Les bêtes couraient en tournoyant sur elles-mêmes, leurs gueules ouvertes et leurs flancs maigres se percutant les uns contre les autres, le tout formant une bourrasque vivante dont la couleur fauve était accentuée par les rais vaporeux des réverbères.

Tout peut recommencer

D’où sortaient ces chiens ? Mystère. C’était bien la première fois que j’en voyais autant et surtout sans maîtres et sans laisses. Il existe peut-être des wagons fourrières où l’on transporte de nuit des animaux de ce genre destinés à des expériences sûrement peu avouables. En tous les cas, j’ai lu avec attention la presse du lendemain, et il n’était signalé nulle part qu’une bande de chiens s’était échappée d’un quelconque endroit. Ce qui m’intrigue le plus, c’est que mes voisins n’ont rien entendu et je pourrai croire avoir rêvé si je n’avais pas vu la meute de mes yeux, l’observant jusqu’à ce qu’elle se perde dans le noir des entrepôts.
Je ne me suis pas recouché et j’ai continué à fouiller l’extérieur du regard. Sans m’en rendre compte, j’ai retrouvé le lien avec certaines nuits d’antan, celles où les sens en alerte et les prémonitions ordonnaient d’attendre les premières lueurs. Debout. Pour être sûr… Juste un peu sûr. Tout cela à cause de ces chiens qui ne sont sur terre que pour chasser les anges et semer la confusion.
Pour tout dire, je crois qu’il n’y a pas que les chiens qui ont été responsables de ce désordre sensoriel. Ce retour involontaire aux temps qui ont précédé la folie est aussi venu de la lecture d’un roman qui devrait faire parler de lui en Algérie (*). Il s’agit d’un polar qui, explique l’éditeur, s’inspire librement « d’une affaire qui a défrayé la chronique en France en 2002 et 2003, avant de se solder par l’un des plus grands scandales financiers de l’Algérie d’aujourd’hui ». Ce n’est pas surprenant. Il fallait bien que la littérature s’empare de l’affaire Khalifa. Ce livre, dont l’auteur serait un haut fonctionnaire ayant quitté l’Algérie et travaillant dans une organisation internationale, est féroce. Pour le pays, pour nous tous. Surtout, il réveille des sentiments et des sensations qui refusent d’être relégués aux oubliettes. En achevant de le lire, on perçoit mille aboiements tourner dans sa tête et on se dit alors que tout peut recommencer.
(*) L’envol du Faucon vert, Amid Lartane, éditions Métailié, 9,5 Euros
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La chronique économique : Les gaz de schiste : nouvelle manne ou future calamité ?

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 7 novembre 2012
Akram Belkaïd, Paris

L’organisation à Alger d’une conférence-débat sur les gaz de schiste par le Collectif national pour les libertés nationales (CNLC), est une initiative à saluer tant ce sujet risque de peser sur l’avenir de la politique énergétique algérienne. On sait que cette ressource naturelle non-conventionnelle est très répandue dans le monde, y compris dans des pays habituellement importateurs d’hydrocarbures. On sait aussi que son exploitation a pour conséquence d’importants dégâts environnementaux puisqu’il faut notamment d’importantes quantités d’eau pour fracturer la roche emprisonnant le gaz. 

ENVIRONNEMENT ET CHOIX DE DÉVELOPPEMENT ECONOMIQUE

 La question qui se pose est donc très simple. Doit-on, au nom de l’addiction aux hydrocarbures, prendre le risque de mettre en péril les ressources hydrauliques qui se trouvent dans le sous-sol algérien ? Comme nombre de pays d’Afrique, l’Algérie ne peut se vanter de mener une politique environnementale ambitieuse. Le fait est que la pollution des sols et des eaux est déjà une réalité et il y aurait beaucoup à dire sur l’emploi intensif de pesticides dans l’agriculture. Du coup, l’exploitation des gaz de schistes ne ferait qu’aggraver une situation guère reluisante.

Mais la question des gaz de schistes ne relève pas uniquement de la question écologique. C’est aussi un choix de politique de développement. Dans le cas de l’Algérie, le consensus au cours de ces dernières années était de favoriser les énergies renouvelables dont le solaire. Si jamais l’Algérie opte pour les gaz de schiste, il est évident que le développement des énergies vertes sera ralenti pour ne pas dire remis en cause. Mais, il y a plus important car on est en présence d’un choix de civilisation. Faut-il, en effet, dépendre à tout prix la rente gazière ? Ne faut-il pas chercher autrement les moyens de la prospérité algérienne ?

Il est souvent admis que l’Algérie ne sortira des nombreux problèmes qui entravent son développement que le jour où elle sera moins dépendante des hydrocarbures. Ce n’est qu’à ce moment-là que l’économie se diversifiera vraiment et que, peut-être, disparaîtront les phénomènes de corruption et de captation de la rente. Faire le pari des gaz de schiste, ce n’est donc pas simplement prendre le risque d’endommager l’environnement. C’est aussi, tel un toxicomane à la recherche d’une drogue de substitution, prolonger son addiction au carbonne. A titre d’exemple, la décision récente de l’Arabie saoudite d’exploiter les gaz de schiste en vue de répondre à sa demande énergétique intérieure peut être assimilée à un aveu d’échec. Cela signifie que le Royaume wahhabite admet qu’il n’est pas capable d’assurer son développement autrement que grâce aux hydrocarbures (le recours aux gaz de schiste permettra à l’Arabie saoudite de maintenir le niveau de ses exportations d’hydrocarbures conventionnels).

UNE DÉCISION DIFFICILE

 Ceci étant précisé, il faut tout de même reconnaître que la question n’est pas simple. Renoncer aux gaz de schistes signifie effectivement que l’on se prive d’une manne que d’autres pays ne dédaigneront pas. C’est le cas des Etats-Unis qui, grâce à l’exploitation du gaz non conventionnel, ont réussi à réduire leur dépendance à l’égard des approvisionnements extérieurs. C’est le cas aussi du Canada et des pays du Golfe mais aussi de la Russie et d’autres pays d’Europe de l’Est. A terme, cela modifiera la géopolitique gazière et les questions de sécurité énergétique mondiale. Faire le choix de renoncer au gaz de schiste ne sera donc pas une décision simple. Et, en tout état de cause, cette question exige non seulement un débat national mais exigera aussi, en cas de renoncement (souhaitable) à l’exploitation des gaz de schiste, la mise en place d’une politique de développement alternative susceptible de compenser le manque à gagner

(*) Exploitation des gaz de schiste, enjeux et perspectives : thème d’une conférence-débat organisée le samedi 3 novembre par le Collectif national pour les libertés citoyennes (CNLC), à Alger. Avec la participation de Kacem Moussa, docteur en géologie, maître de conférences à l’université d’Oran, de Yacine Teguia, membre du conseil national du MDS et de Fares Kader Affak, porte parole du CNLC.
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mercredi 7 novembre 2012

Obama : une réélection sans éclat

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blog afro-maghreb, 7 novembre 2012

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Il y a quatre ans, je suivais de bout en bout la soirée électorale américaine (lire ci-dessous). Ce fut un grand moment d’émotion. Pensez, un Noir à la Maison-Blanche… Cette année, j’ai de nouveau cédé au cérémonial de la nuit électorale mais de manière détachée, un peu comme on regarde un match de foot dont l’enjeu ne nous concerne pas. Et, à dire vrai, ce fut un beau match. Serré, avec une bonne dose de suspense et un décompte des grands électeurs lent, très lent. Certes, dès deux heures du matin, les projections de CNN donnaient Obama vainqueur dans l’Ohio et en Pennsylvanie (comme en 2008), ce qui laissait préfigurer d’une victoire finale. Mais, des signaux contradictoires entretenaient l’inquiétude notamment les rumeurs d’un score serré en Floride qui obligerait à un nouveau décompte des voix. Soudain, le spectre du feuilleton électoral de 2000 ressurgissait avec son désastreux épilogue (que serait le monde aujourd’hui si Al Gore l’avait emporté…).

Le match est donc terminé. Obama a gagné mais rien ne pousse à l’enthousiasme si ce n’est la mine défaite des propagandistes de FoxNews. L’une des images de cette victoire désenchantée restera ainsi le discours du vainqueur. Aucune force, aucune spontanéité, une joie lisse, presque convenue. On se demande si l’homme lui-même est heureux d’avoir gagné. En tous les cas, la fête n’a guère été impressionnante et il faudra attendre d’autres scrutins pour renouer avec la ferveur de 2008.

En réalité, le volet le plus passionnant de la période qui s’ouvre concerne surtout les Républicains et la manière dont ils vont digérer leur défaite. Il ne fait nul doute que des débats vont avoir lieu au sein du « grand vieux parti » notamment en ce qui concerne sa droitisation imposée par les ultra-conservateurs du Tea Party. Qui va refonder cette formation ? De quelle manière va-t-elle évoluer ? Les Républicains vont-ils opter pour une bipolarisation dure ou vont-ils accepter de passer des compromis avec le président réélu ? Ces questions ont leur importance car l’évolution du Parti républicain influera certainement sur les droites européennes. Voilà, peut-être, l’aspect le plus important de la victoire d’Obama.

Akram Belkaïd
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