Lignes quotidiennes

Lignes quotidiennes
Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

mardi 19 juin 2012

Lettre à Zidane : Il faut sauver Mahmoud al-Sarsak

_
Mon cher Zinedine,

Je t’ai vu il y a quelques semaines à la télévision commenter l’année sportive 2011-2012. Tu étais plutôt à l’aise, bien plus que de coutume même si on devinait bien que ce n’était pas ton exercice préféré. Je crois que tu n’as jamais aimé paraître à la télévision, mais ce n’est pas pour cela que je t’écris.
  
Allons droit au but. As-tu entendu parler de Mahmoud al-Sarsak ? Laisse-moi te donner quelques détails. Il s’agit d’un footballeur palestinien de 28 ans. Il y a trois ans, c’était le 22 juillet 2009, il a été arrêté par les forces de sécurité israéliennes au point de passage d’Erez alors qu’il venait de quitter Gaza pour rejoindre son équipe nationale en Cisjordanie. A ce jour, il est toujours en «détention administrative», ce qui veut dire que la justice israélienne n’est pas obligée de dire pourquoi il est en prison ni même d’organiser son procès. Sa famille n’a pas le droit de lui rendre visite. En un mot, ce footballeur prometteur n’existe plus. C’est une ombre, un fantôme, à qui il peut tout arriver. Voilà pourquoi il a décidé de faire la grève de la faim depuis mars dernier. Un chiffre, un seul : Mahmoud a perdu 30 kilogrammes et sa vie est désormais en danger.
  
Mahmoud Sarsak, cher Zinedine Zidane, n’est pas le seul dans ce cas. Des centaines de Palestiniens sont détenus aujourd’hui de manière administrative. Mais, par la force des choses et de la puissance universelle du football, il est devenu leur emblème. C’est pourquoi le monde se mobilise pour lui, à commencer par tes collègues footballeurs. Nombre d’entre eux, avec d’autres sportifs, ont signé une pétition pour réclamer sa libération. Parmi eux, il y a Nicolas Anelka, Philippe Christianval, Mamadou Niang, André Gignac et Jeremy Menez. De son côté, Eric Cantona a publiquement pris position pour sa libération. Et toi ? Et toi, cher Zidane, toi qui est le footballeur français le plus connu et le plus admiré ? N’as-tu rien à dire pour ce joueur interdit de liberté, sans qu’il sache pourquoi ? N’as-tu pas envie de t’exprimer sur ce sujet ?
     
Je sais que tu n’aimes pas te mêler de domaines autres que celui du football. Je sais aussi que ton entourage est très vigilant et qu’il veille à ce que tes intérêts ne puissent pas être mis en danger par une prise de position publique. Mais là, cher Zinedine, ce n’est pas du Qatar dont il s’agit mais de la vie et de la dignité d’un homme. Vois-tu, jeudi soir, comme des millions de gens, comme toi aussi je suppose, j’ai regardé le match Espagne – Irlande. Comme des millions de téléspectateurs, ce n’est pas le score qui a compté pour moi. Dans ce stade de Gdansk où nombre de panneaux incitaient au respect, à la fraternité et à la lutte contre le racisme, j’ai aimé le comportement des supporters irlandais. Leur équipe venait de prendre une valise de quatre buts, mais ils ont chanté sans discontinuer durant les dix dernières minutes. C’était beau et propre. Un spectacle, une offrande qui auraient mérité un article ou une chronique. Mais ce n’est pas possible.
   
Ce n’est pas possible parce qu’il y a un footballeur, quelqu’un qui a certainement essayé d’imiter tes dribbles et tes passements de jambe, qui est en train de mourir faute de liberté et de respect. Voilà pourquoi je m’adresse à toi. J’espère que tu auras le courage de faire savoir que tu es solidaire de cet homme, comme tu le serais de n’importe quelle personne, quelle que soit sa race et sa religion, privée du droit humain le plus élémentaire. La pétition circule, cher Zizou. Il serait bien que tu sortes de ton silence.
  
Bien cordialement
  
Akram Belkaïd




Billet posté sur le Blog Afro-Maghreb : SlateAfrique
_

Aucun commentaire: