Lignes quotidiennes

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Dernier ouvrage paru : L'Algérie en 100 questions. Un pays empêché (Tallandier, 2019)

lundi 29 août 2011

dimanche 28 août 2011

La chronique du blédard : A propos de la Libye, l'Otan et l'Algérie

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« Il s'est noyé dans sa propre merde et il s'étonne de son odeur ». Ce vieux proverbe maghrébin n'a peut-être jamais été médité par Kadhafi. C'est du moins ce que je me suis dit en écoutant ses messages radiodiffusés appelant à défendre coûte que coûte Tripoli. Y croyait-il vraiment ? Etait-il persuadé que des foules de civils allaient sortir de chez elles pour se sacrifier pour lui en se battant contre les troupes du Conseil national de transition (CNT) et les commandos de forces spéciales occidentales qui devaient certainement les appuyer ?

Quand la fin est proche, le dictateur devient pathétique. On l'a vu avec Ben Ali et Moubarak. Lorsque la séquence d'événements s'accélère et que le mécanisme de sa perte a dépassé le point de non retour, on entre alors dans un irréel fait de discours délirants et de déni. Bien sûr, il y a toujours ceux qui restent sensibles à ces harangues de la dernière heure. Qui se disent que quelque chose de surnaturel va survenir pour sauver le zaïm. Je me souviens ainsi d'un tocard, professeur de sciences-politiques et pseudo-spécialiste des médias arabes, qui croyait dur comme fer que l'armée de Saddam Hussein allait tailler en pièces l'armada américano-anglaise de mars 2003. Les Arabes et leur rapport au réel, une longue histoire…

La question que je me pose souvent est de savoir à quel moment un tyran décroche-t-il du réel ? A quel moment commence-t-il à croire vraiment aux fables que lui et ses propagandistes ont fabriquées pour lui forger une image de grand maître de la Nation. En clair, est-ce que Kadhafi réalise qu'il est le premier responsable de ses propres déboires ? C'est lui qui est la cause de ses malheurs et de ceux de son peuple. Bien sûr, il n'a pas été le seul. Sa famille, son clan, sa tribu et même nombre des membres de l'actuelle rébellion l'ont bien aidé. Mais cela ne doit pas perdre de vue ce que je ne cesserai jamais d'écrire et de répéter : les dictateurs, les présidents élus à vie, les hommes providentiels et les héritiers des révolutions anticoloniales sont les premiers ennemis de leur pays, de sa souveraineté et, plus encore, de son intégrité territoriale.

On peut en vouloir aux membres du CNT d'avoir fait appel à des Occidentaux pour tuer leurs frères Libyens mais que dire de celui qui a recours à des mercenaires pour mater son propre peuple ? On peut aussi regretter que la révolte de février 2011 n'ait pas réussi à faire tomber à elle seule le régime de Kadhafi. Cet échec a conduit à l'intervention de l'Otan dont les bâtiments et les avions semblent partis pour rester dans la région. Mais n'était-ce pas le prix à payer ? Sans être dupe de ce que cela pouvait engendrer, j'étais pour l'intervention de l'Otan et je n'ai pas changé d'avis. Entre le départ d'un homme qui a ruiné son pays et un soutien étranger à une rébellion, fut-elle multiforme et, parfois, peu recommandable, il n'y avait pas à hésiter. Maintenant, il faut espérer que les Libyens vont remporter la seconde bataille, celle qui consistera à préserver la souveraineté de leur pays et à savoir dire non à leurs alliés d'ores et déjà encombrants.

Posons une question qui peut sembler provocatrice mais qui concerne tous les Arabes ou presque. Quelle différence y-a-t-il à vivre dans un pays privatisé par un dictateur et son clan et le fait de vivre dans un pays dominé par des puissances étrangères ? On me dira, « allons, et la souveraineté alors ? Et le prix payé pour l'indépendance ? ». Ma réponse est très simple : qu'est-ce que la souveraineté quand un peuple n'a pas de libertés ? Qu'est-ce que la souveraineté quand un peuple mendie et meurt dans les hôpitaux faute de médicaments de base ? Qu'est-ce que la souveraineté quand des hommes et des femmes préfèrent la mort en haute mer plutôt que de continuer à vivre dans le pays qui les a vu naître ?

Qu'est-ce que la souveraineté d'un pays quand ses dirigeants, qui ne cessent de parler de nationalisme et de défense de la nation, engrangent les millions d'euros dans des comptes à l'étranger, achètent hôtels particuliers, bars, restaurants et appartements de luxe à Paris, Dubaï ou New York ? Qu'est-ce que la souveraineté d'un pays quand ces mêmes dirigeants se compromettent à l'étranger et sont «tenus» par les services secrets de nombre de pays occidentaux qui connaissent, au détail près, l'ensemble de leurs malversations et détournements ? Finalement, un peuple arabe qui vit sous la dure férule d'un système dictatorial n'a que trois options possible. Il peut se révolter et espérer arracher seul sa liberté. Sinon, il ne lui reste que le choix entre deux dominations. Celle du tyran ou alors celle, directe ou non, de l'étranger.

Bien entendu, cette réflexion concerne aussi l'Algérie. Dans ce pays, comme ailleurs dans le monde arabe, on n'a peut-être pas pris la mesure de ce qui s'est passé au Soudan puis en Libye. Dans le premier cas, on réalise que les frontières héritées de la période coloniale ne sont plus un tabou. Dirigé par un dictateur soudain honni – pour une raison ou pour une autre – par la communauté international, un pays, arabe ou africain, peut désormais être découpé en tranches au nom de la défense d'une minorité qu'elle soit religieuse, ethnique ou même linguistique. La naissance du Sud-Soudan est donc un précédent majeur dont il serait temps de méditer les raisons et les conséquences futures.

Dans le second cas, la crise libyenne a montré que l'Otan peut très bien intervenir en Afrique du nord. En Libye aujourd'hui, en Algérie demain : plus rien n'est impossible. Durant des années, la diplomatie occidentale s'est attelée à rassurer les pays maghrébins en leur expliquant que la période de la canonnière coloniale était révolue à jamais. On voit bien que l'Histoire peut très bien se répéter. Se croire à l'abri grâce à sa fortune pétrolière, à ses liens supposés privilégiés avec tel ou tel service étranger ou grâce à la puissance supposée de son armée serait une erreur tragique. Tout peut partir d'un simple incident. Un village qui se soulève, une région qui s'embrase et réclame son autonomie, une autre qui revendique un meilleur partage des richesses, et les avions de l'Otan pointeront leur bec. Les Algériens passeront alors d'une servitude à une autre…

Comment éviter cela ? Il n'y a pas mille et une solutions. Il s'agit de rassembler les Algériens. Non pas en leur servant une énième logorrhée nationaliste auquel plus personne ne croit. Mais en entrant dans une vraie transition démocratique. En écoutant le peuple, en respectant ses demandes de liberté, de respect et de dignité. En garantissant la liberté d'expression au lieu de prévoir des peines de prison pour les journalistes. En cessant de se prendre pour des savants omniscients capables d'imposer leur volonté au monde entier. Voilà ce qu'il faut attendre et exiger des dirigeants algériens pour qu'ils évitent le pire à leur pays, à leur peuple et à eux-mêmes. Sauront-ils prendre la mesure de la situation ? Sauront-ils (enfin) entendre ? Là est toute la question…...

Akram Belkaïd
Le Quotidien d'Oran, jeudi 25 août 2011


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lundi 22 août 2011

Message de Ben Ali à Kadhafi

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URGENT, message de Ben Ali à Kadhafi : "viens à la maison, c'est grand chez nous. je m'ennuie un peu. On t'a préparé une tente dans le jardin. y'a Leila qui t'a préparé des briks, un tagine melsouqa et du poisson comme tu l'aimes"
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Les mystères de la prise de Tripoli

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A lire l'article sur Slate Afrique : les mystères de la prise de Tripoli

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dimanche 21 août 2011

Fin de partie pour Kadhafi ?

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Article à lire sur SlateAfrique.

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Akram Belkaïd, journaliste spécialiste des marchés financiers, à «Algérie-Focus.Com» : «On est en train d’atteindre le point haut des contradictions du système néo-libéral»

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Quelle est la nature de la crise de la dette qui frappe l’Europe actuellement ?

Il s’agit d’une crise à plusieurs facettes. Il y a d’abord le fait que les Etats européens font face à des difficultés financières qui les obligent à emprunter sur les marchés financiers pour boucler leur budget. Le problème, c’est que les marchés de la dette commencent à devenir à la fois gourmands et inquiets. Gourmands parce qu’ils aimeraient bien obliger les Etats emprunteurs à payer des taux d’intérêts plus élevés. Inquiets parce qu’ils se demandent si certains Etats ne vont pas être en faillite et décider de ne pas rembourser une partie de leur dette. L’autre aspect de la crise est structurel. On est en train d’atteindre le point haut des contradictions du système néo-libéral.

Si les Etats s’endettent, c’est parce que leurs économies ne sont pas florissantes (ce qui signifie que les entreprises et les particuliers gagnent moins d’argent et paient donc moins d’impôts). Mais, dans le même temps, ces mêmes Etats, comme les Etats-Unis d’ailleurs, n’ont pas cessé de diminuer les impôts des plus riches depuis ces trente dernières années. En renonçant aux rentrées fiscales, les Etats n’ont pas d’autre choix que de s’endetter. C’est pourquoi des personnalités telles que le milliardaire américain Warren Buffet disent qu’il faut que les riches (particuliers mais aussi entreprises) paient plus d’impôts pour équilibrer les comptes des Etats et ne plus s’adresser au marché.

Quel rôle ont joué les agences de notations dans le déclenchement de cette crise ?

Ces agences ont amplifié la crise mais ne l’ont pas déclenchée. Le problème vient d’abord des gouvernements qui n’ont pas cessé de déréguler les marchés financiers et de leur donner de plus en plus de pouvoir. Au lieu d’avoir recours à des politiques néolibérales de diminution des impôts pour les classes les plus aisées, ces gouvernements auraient mieux fait d’éviter de s’endetter autant. En le faisant, ils sont devenus dépendants de l’avis des agences de notation dont chaque décision a pris une tournure exagérée.

C’’est quoi une agence de notation et comment fonctionne-t-elle ?

Une agence de notation évalue les risques que présente un emprunteur de ne pas rembourser sa dette. Cet emprunteur peut être un Etat, une entreprise ou même une collectivité locale. Le mécanisme de fonctionnement est simple. Quand il veut s’endetter sur le marché, l’emprunteur a intérêt à être noté par une agence sinon les investisseurs ne lui prêteront pas d’argent. Dans les faits, c’est l’emprunteur qui demande à être noté et qui paie pour cela. Il s’engage à fournir les informations nécessaires aux analystes de l’agence de notation qui, de manière régulière, font connaître leur avis par une note.

Ainsi le AAA (triple A) signifie que l’emprunteur ne présente aucun risque de défaut. A l’inverse, des notes comme C voire D ou E, signifient qu’il est très risqué de prêter de l’argent c’est pourquoi le marché exige alors d’importants taux d’intérêts. C’est tout l’enjeu de la dégradation. Quand un pays passe de A à B+, cela signifie que, concrètement, il va devoir payer plus pour emprunter. C’est en cela que les agences de notion peuvent torpiller les efforts d’un pays pour stabiliser sa situation financière. Une dernière chose, les Agences de notation ne notent que si elles sont sollicitées par l’emprunteur et payées par ce dernier. De plus, leurs notes sont considérées comme des opinions, du moins aux Etats-Unis, ce qui les rend pratiquement inattaquables sur le plan légal.

L’Algérie est-elle concernée par les élévations des agences de notation telle que Standard and Poor ?

Non. A ma connaissance, l’Algérie n’a pas demandé à être notée. De plus, notre pays a pratiquement réduit sa dette extérieure et ne s’adresse pas au marché obligataire. A l’inverse, la Tunisie a emprunté sur les marchés et sa note a été dégradée au lendemain de la chute de Ben Ali. Cela montre que les agences de notation n’ont qu’une seule obsession : la capacité de remboursement. Le problème au cours de ces dernières années, c’est qu’elles se sont beaucoup trompées. Elles n’ont pas vu venir la crise de l’Internet ni celle des subprimes.
Cela explique leur zèle actuel. Dans un monde parfait, ces agences devraient être encadrées et régulées de manière à ce que la moindre de leur décision ne mette pas le feu aux marchés financiers.

Entretien réalisé par Nassim Brahimi :

Biographie :
Akram Belkaïd, journaliste et essayiste, a travaillé pendant 15 ans au quotidien économique et financier français «La Tribune» où il a notamment suivi les marchés financiers. Il collabore aujourd’hui avec «Le Monde Diplomatique», «SlateAfrique», «Afrique Magazine» et «Le Quotidien d’Oran». Il publie «Etre Arabe Aujourd’hui» aux éditions Carnetsnord (22 septembre).


vendredi 19 août 2011

La chronique du blédard : La crise, la dette publique, les impôts et les enfants de Reagan et Thatcher

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 18 août 2011
Akram Belkaïd, Paris




Où va l'économie mondiale ? C'est la question que des millions de personnes se posent depuis l'été 2007, date des premières secousses provoquées par la désormais tristement fameuse bulle des subprimes. Quatre ans et quelques gros coups de semonce plus tard, la situation s'est détériorée au point que le risque d'une nouvelle «Grande dépression», comparable à celle de 1929, voire plus grave, est bel et bien avéré. Quand des Etats sont menacés de faillite (Grèce mais aussi Portugal, Italie et même l'Irlande), quand l'hypothèse d'un éclatement de la zone euro est sérieusement étudiée par nombre d'économistes, quand la première puissance mondiale, comprendre les Etats-Unis, s'avère incapable de relancer son économie (et de créer des emplois, condition première pour qu'Obama puisse espérer sa réélection), quand la croissance allemande devient négative, quand le franc suisse et l'or, deux valeurs refuge par excellence, sont au plus haut, c'est que les choses vont très mal.

Certes, plusieurs pays émergents affichent des performances économiques étincelantes. La Chine, l'Inde ou le Brésil ne semblent guère affectés par la tempête qui fait actuellement chavirer l'Europe et les Etats-Unis. Mais il ne faut pas se leurrer. Le krach, ou plutôt l'enchaînement de catastrophes financières, boursières et bancaires qui menace l'Europe et les Etats-Unis aura des conséquences pour toute la planète, y compris dans des pays qui, comme l'Algérie, se croient à l'abri grâce à leur rente pétrolière ou à leur économie fermée. En septembre 2008, une panique bancaire mondiale a été évitée de justesse après la faillite de la banque Lehman Brothers. A l'époque, les principales banques centrales avaient paré au plus pressé, en jouant le rôle de prêteur de dernier recours et en injectant de l'argent dans les circuits bancaires pour permettre aux banques de se financer.

Aujourd'hui, la situation n'est plus la même car ce sont les Etats qui sont fragilisés. Obligés de s'endetter pour combler leurs déficits budgétaires, ils sont à la merci de marchés financiers qui semblent désormais échapper à tout contrôle. Et c'est sur ce point qu'il faut s'attarder un peu. Pourquoi les déficits budgétaires de la plupart des pays développés ont-ils explosés ? Le discours habituel servi par nombre de gouvernements, qu'ils soient de droite ou dits de gauche, affirme que c'est dû à l'augmentation des dépenses publiques. Du coup, la solution aux problèmes du moment paraît simple. Il faudrait réduire ces dépenses pour que tout aille mieux, et c'est d'ailleurs ce que le Fonds monétaire international (FMI) et l'Union européenne (UE) ont imposé à la Grèce. Le mot austérité est ainsi sur toutes les bouches ce qui signifie des coupes dans les programmes sociaux, dans les aides publiques et dans les budgets de santé, de culture et d'éducation. «C'est le prix à payer. La situation est trop grave pour ne pas faire de sacrifices» sont les propos qui justifient ces restrictions.

En réalité, la cause de ces déficits budgétaires se trouve ailleurs. Depuis trente ans, les pays développés ne cessent de diminuer les impôts notamment ceux des plus riches. Ronald Reagan et Margaret Thatcher ont été les précurseurs de ces politiques où l'endettement public a servi à compenser la baisse des impôts. Depuis, les Etats développés sont tous engagés dans une fuite en avant où le recours au marché de la dette – recours qui impose d'être évalué par une agence de notation – a permis de diminuer la pression fiscale. Et le plus grave dans l'affaire, c'est que ces baisses d'impôts sont inégalitaires car ce n'est pas tomber dans un populisme de bas-étage que de dire que ce sont les classes les plus aisées qui en ont profité le plus. Qu'il s'agisse du bouclier fiscal en France ou des baisses d'impôts décidées par Bush (et maintenues par lui alors que son pays entrait en guerre contre l'Irak, du jamais vu dans l'histoire des Etats-Unis), l'équation est la même. La dette publique, supportée par tous, sert à remplacer l'argent qui n'est pas pris aux plus riches, qu'il s'agisse de particuliers ou, plus scandaleux encore, d'entreprises qui pratiquent l'évasion fiscale légalisée notamment grâce aux paradis fiscaux mais aussi grâce à un jeu complexe de transferts financiers entre leurs différentes filiales. Et, dans l'affaire, ce sont bien entendu les classes moyennes qui trinquent le plus.

Pour bien comprendre l'aspect scandaleux de cette situation, il faut méditer les propos suivants du milliardaire américain Warren Buffet : «Tandis que les pauvres et les classes moyennes se battent pour nous en Afghanistan, et alors que la majorité des Américains se débattent pour nouer les deux bouts, nous, les méga-riches, continuons de bénéficier de nos extraordinaires niches fiscales». Tout est dit et on ne peut suspecter «l'oracle d'Omaha» d'être un dangereux communiste. L'homme, comme d'autres de ses pairs fortunés, a compris que le privilège fiscal, qu'il s'appelle niche, abattement ou bouclier, concourt à miner une société et à préparer des lendemains de violence, d'émeutes populaires voire de révolutions. Et signalons au passage que, contrairement à 1929, les écarts de richesse entre pauvres et fortunés ne se sont pas réduits mais ont, au contraire, augmenté.

Comment alors interpréter le fait que les dirigeants européens, ainsi qu'Obama d'ailleurs, préfèrent persister dans les programmes d'austérité plutôt que de revenir à des politiques fiscales plus volontaristes. Il y a bien sûr la persistance de la concurrence fiscale entre les Etats. Mais il y surtout l'idéologie. On a tort de penser que la crise actuelle sonne le glas du néolibéralisme et des thèses de Milton Friedmann et des ses partisans. Bien au contraire, pour eux c'est l'occasion ou jamais de faire encore plus «maigrir la bête», c'est-à-dire l'Etat, voire de la tuer. Faire diminuer la taille de l'Etat, remettre en cause les programmes inspirés par le socialisme (santé, retraites, éducation, emploi), c'est l'objectif jamais abandonné par les enfants de Reagan et Thatcher. Ils sont bien décidés à ne pas lâcher prise et à enterrer définitivement l'Etat providence. Cela dans un contexte d'apathie générale des classes moyennes qui donne à penser qu'ils sont peut-être près d'atteindre leur objectif.

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lundi 15 août 2011

Alger : La bataille du bois du pins

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A lire sur Slate Afrique : http://www.slateafrique.com/26847/alger-%C3%A9cologie-bois-des-pins-cit%C3%A9-urbanisation
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dimanche 14 août 2011

jeudi 11 août 2011

La chronique du blédard : Hadadi Kaddour et les Saltimbanques

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Le Quotidien d'Oran, jeudi 11 août 2011
par Akram Belkaid: Paris



Y'a eu Renaud avant lui, y'a eu Antoine qui l'a précédé. Ils ont été récupérés, lavés et recyclés. La société les a matés et ils ont fini par s'agenouiller. Espérons pour lui que ça ne lui arrivera jamais, qu'ils ne l'auront pas et qu'il tirera le premier. Je veux parler de Hadadi Kaddour, alias HK, et de son groupe, Les Saltimbanques. Ancien du groupe rap Ministère des affaires populaires (MAP), cet enfant de Roubaix est actuellement l'un des meilleurs artistes de la scène française. L'écouter une seule fois, c'est l'adopter. C'est se dire que, Dieu merci, il y a encore des créateurs qui osent, innovent et s'engagent malgré un océan de nullités et de crétineries musicales qui font honte au pays de Brassens, Ferrat et Ferré.

Commençons par citer la chanson phare de son premier (double) album intitulé «Citoyens du monde». Cette chanson contestataire au rythme nerveux s'appelle «On lâche rien» et son refrain a été scandé à l'automne dernier par nombre de manifestants contre la réforme des retraites mitonnée par Nicolas Sarkozy et son gouvernement. Extrait (avec la musique, c'est mieux) : «Du fond d'ma cité HLM / Jusque dans ta campagne profonde / Not' réalité est la même / Et partout la révolte gronde / Dans c'monde on n'avait pas not' place / On n'avait pas la gueule de l'emploi / On n'est pas né dans un palace / On n'avait pas la CB à papa / SDF, chômeurs, ouvriers / Paysans, immigrés, sans papiers / Ils ont voulu nous diviser / Il faut dire qu'ils y sont arrivés / Tant qu'c'était chacun pour sa gueule / Leur système pouvait prospérer / Mais il fallait bien qu'un jour on s'réveille / Et qu'les têtes s'remettent à tomber/ ON LACHE RIEN !».

Ne rien lâcher, c'est ce qui motive HK. Pas uniquement sur la question des retraites mais sur d'autres fronts où la gauche, du moins celle qui prétend pouvoir gouverner (suivez mon regard…) fait bien pâle figure. A l'heure où se dire antiraciste provoque ricanements et mises en accusation, à l'heure où dire que le monde ne peut plus continuer ainsi avec autant d'inégalités mène à se faire traiter de naïf ou de dangereux gauchiste, à l'heure où UMP et Parti socialiste c'est kif-kif bourricot à propos des questions sociales, à l'heure où on peut aller en prison pour avoir donné un repas chaud à un sans-papier, à l'heure où protester contre le sort des sdf et des sans-abris équivaut à hurler contre les sirènes hurlantes de la com' gouvernementale, il est bon d'entendre les paroles de Hadadi Kaddour.

Extrait numéro deux (là encore, avec la musique, c'est bien mieux) : «A c'qui parait la France va bien, alors pourquoi j'tire la tronche / D'ailleurs tout l'monde doit être heureux vu qu'y a plus personne qui bronche / Il vaudrait mieux que j'me taise ou alors que j'fasse semblant / De croire enfin à leurs foutaises, et qu'j'dise merci au président (...…) Si y a des clochards en France c'est bien qu'ils l'ont choisi / Si ils préfèrent être SDF c'est une question de mode de vie / Si les restos du cœur font l'plein, c'est qu'y a plein de profiteurs / Si y a autant d'chômeurs ici c'est qu'les Français sont des glandeurs».

Dans ce double-album, l'engagement d'HK résonne dans presque toutes ses compositions. Il chante ainsi Jérusalem («Al-Qods»), revendique une «identité internationale» - chanson qui mériterait d'être dédié au duo Hortefeux-Guéant - et se paie avec brio la tête du mari de Carla Bruni dans une chanson («Ma parole») que l'on n'est pas près d'écouter sur les grandes radios, chaque jour, un peu plus verrouillées. Extrait numéro trois, toujours sans musique, j'en suis désolé : «Oh peuple de France, je n'te mentirai pas / Je n'te trahirai pas, je n'te décevrai pas / Comme je disais l'autre soir à mon vieil ami Johnny / Je vais te redonner l'envie d'avoir envie / Je fais des miracles comme une sorte de messie / J'ai fait revenir d'outre-tombe Mireille Mathieu et cie / Si tu es malade, donne-moi la main, tu seras guéri pour de bon / Mais si tu ne veux pas que je te touche, hé bien casse-toi pauv' con !».

Reggae, rock, raï, rap, chants kabyles, tango et folklore sud-américain, rythmes africains, chaâbi algérois, malouf constantinois mais aussi bal musette et chants populaires de France : tout cela se retrouve de manière harmonieuse dans la musique d'HK et des Saltimbanques qui l'accompagnent. A ce sujet, et sans vouloir faire de jaloux, mentions spéciales à Manuel Paris pour ses jeux de guitare, à Saïd «Toufik» Zarouri, grand «ambianceur» avec ses «walou» dans «On lâche rien», à Nacera Mesbah et au groupe Tighri Uzar (la voix des racines) pour leurs chœurs notamment dans «La maman». Une chanson à la fois festive, dansante et même drôle mais ô combien tendre et émouvante car elle dit bien des choses à propos de ces mères venues du sud de la Méditerranée et dont certaines ont vécu dans la détresse et l'impuissance le fait que leurs fils prennent de mauvais chemins.

Extrait numéro quatre (sans la musique et, hélas, sans l'accent aussi…) : «Ya mon fils ! Vraiment je comprends pas / Moi, je t'ai donné toujours l'amour / J'ai occupé de toi, tous les jours / Pourquoi la police, elle vient chez moi / J'ai occupé de toi tous les jours / Pourquoi la police, elle parle comme ça ?».

De la (très) bonne musique, de bons arrangements, des textes qui veulent dire quelque chose et que l'on se surprend à chantonner toute la journée, des rythmes entraînants : voilà donc un album à ne pas rater. Terminons en mentionnant trois gros tubes potentiels qui, si le monde de la promo musicale n'était pas aussi sclérosé, devraient déjà cartonner sur toutes les ondes et sous tous les cieux. Le premier, «Salam Alaykoum», est un hymne à l'hospitalité qui parlera à toutes celles et tous ceux qui ont quitté leur pays, de manière définitive ou pour quelques jours à peine. Le deuxième, «On s'ra jamais les Beatles», est un excellent rock, un brin désabusé, qui dit bien comment passion peut rimer avec galère mais n'est-ce pas là une marque – temporaire, on l'espère – du talent ? Enfin, le troisième tube s'intitule «Niquons la planète» (c'est HK qui le dit, pas moi !), monument de dérision que les grands pollueurs pourraient adopter comme devise. Pas sûr pourtant que ça plaise aux écolos qui n'aiment pas qu'on s'amuse avec ce genre de chose. Pas sûr non plus que les parents apprécient que leurs bambins reprennent ce refrain en riant aux éclats mais ils sauront être indulgents car on pardonne tout à la bonne zik…

P.S : Le présent chroniqueur remercie, en son nom et celui de ses lecteurs, le distingué linguiste du vieux-Ténès pour lui avoir fait découvrir cet artiste et sa musique.
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dimanche 7 août 2011

La chronique du blédard : À La Marsa

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Le Quotidien d'Oran
Jeudi 4 août 2011



Il est midi en ce 25 juillet 2011, jour anniversaire de la proclamation de la République tunisienne (c'est elle qui, en 1957, a mis fin à la monarchie des Beys). La petite plage de la corniche de La Marsa au nord de Tunis est quasiment déserte. Deux ou trois parasols battu par le vent, une petite buvette dont le propriétaire, « Monsieur crunch » pour les intimes, attend désespérément quelques acheteurs d'eau minérale, de biscuits salés ou de crèmes glacées, une grand-mère qui lit un polar et des gamins concentrés sur l'étude de bulots accrochés aux rochers à fleur d'eau : voilà pour l'affluence du jour. Rien à voir avec celle des années précédentes. Le vieux vendeur de cacahuètes et de « glibètes », homme fier venu de Tataouine a même remballé sa corbeille et s'apprête à rentrer dans sa ville natale pour y passer le ramadan. Et, signe qui ne trompe pas, les petits frimeurs qui, raquettes de « beach » à la main, investissaient en masses bruyantes le bord de mer pour - croyaient-ils - impressionner de jeunes donzelles peroxydées à coups de revers, d'ahanements forcés et de postures ridicules empruntées à Federer ou Nadal, ont abandonné l'endroit.

Une sourde inquiétude semble peser sur le lieu comme sur le pays. C'est la sensation que quelque chose se prépare dont personne ne sait si elle sera bonne ou mauvaise. Moments à la fois agréables et difficiles, comme si le temps venait d'être suspendu pour quelques heures ou quelques semaines en attendant les élections du 23 octobre prochain. Il ne s'agit pas de prémonition angoissée mais juste l'incapacité à discerner ce qui est en passe de remplacer l'ordre ancien. Comme c'est souvent le cas, l'état du ciel permet au chroniqueur ici présent de proposer une image qui résume au mieux la situation. La lumière d'été est vive, blanche, mais on dirait qu'une touche de chartreuse lui confère un zeste de mélancolie. Et puis, il y a ces nuages qui glissent depuis le sud-est vers le nord et dont on peut se demander s'ils ne sont pas là pour rappeler qu'une guerre à l'issue de plus en plus incertaine se déroule à deux ou trois milliers de kilomètres de là.

Dieu merci, le soir venu permet de renouer avec la Tunisie festive et bonhomme. Avec la nuit, La Marsa vit et pulse. Le Petit Salem, glacier incontournable, est bondé comme le sont les cafés du saf-saf et les deux ou trois pizzerias du coin. Sur la promenade du front de mer, les étals, dont certains se déploient à même le sol, sont partout. Chinoiseries en tous genres venues de containers dont il se dit qu'ils auraient appartenu «à la famille», livres religieux hier interdits, colifichets et bijoux fantaisistes vendus par des Mourides sénégalais chassés de Libye et enfin, chose qui intrigue nombre de Tunisiens, de nombreux vendeurs d'amandes vertes importées des Etats-Unis bien meilleur marché que la production locale (voilà un effet insidieux du libre-échange).

De son côté, le centre commercial du Zéphyr est toujours aussi fréquenté. Signe de ces temps emprunts de « dégagisme », de revendications sociales et de couvre-feu plus ou moins implicite, le supermarché, une enseigne française, ne ferme plus à minuit mais à vingt-deux heures. Parfois, une (petite) bagarre éclate. On tend l'oreille. Chacun a le verbe dégage à la bouche. Jadis omniprésente, la police prend son temps pour venir mettre fin à la querelle à propos d'une monnaie mal rendue.

Et les touristes ? Ils sont là, bien moins nombreux que les années précédentes, mais présents tout de même. Des Français, heureux d'avoir fait la bonne affaire de leur vie. Et comment donc ! Des hôtels peu remplis, des plages pour eux tous seuls, pas de bagarre matinale à la piscine pour réserver ses transats et du rab en veux-tu en voilà au dîner du soir. Que demander de plus pour monsieur et madame Durand ? Il y a bien sûr les Libyens. Près de sept cent mille soit autant que pour toute l'année 2010. Belles voitures climatisées et des liasses de dollars en poche mais profil bas tout de même à l'heure où la Tunisie n'en peut plus de soutenir pratiquement à elle seule le poids financiers des réfugiés à la frontière sud.

A cela s'ajoute la contrebande de produits, subventionnés ou non, qui, par camions entiers, prennent la route de la Libye et provoquent la hausse locale des prix. Eau, farine, huile, sucre, ciment : le pays voisin a besoin de tout, les exportateurs tunisiens font de gros bénéfices mais le consommateur râle, lui qui se demande s'il va joindre les deux bouts pendant le ramadan. Contrebande et pénurie… Inattendu spectacle en Tunisie que celui de rayonnages de supermarchés privés de packs d'eau minérale.

Et les Algériens ? Disons-le sans ambages, c'est la grosse déception de l'été. Trop peu nombreux, présence fantomatique. Hammamet, Nabel, Sousse, Sfax et Monastir se demandent où sont passés ces grands dépensiers qui atténuaient le manque à gagner dévastateur du all-inclusive propres aux cargaisons humaines de charters européens. En Tunisie, on en veut à la presse algérienne d'avoir relayé en boucle des informations non fondées sur l'enlèvement d'une jeune mariée algérienne en lune de miel à Sousse. On y voit la main des « services algériens » ou alors celle des « bénalistes et trabelsistes » qui cherchent à déstabiliser le pays et à faire fuir les touristes.

Bien sûr, on comprend aussi les réticences de ces voisins-frères qui ont sauvé le tourisme tunisien depuis plusieurs années.On admet qu'ils n'aient pas envie de se frotter à ces salafistes qui pointent le bout du nez et qui leur ont tant empoisonné la vie chez eux. Mais tout de même… Les Tunisiens ont du mal à ne pas penser que l'absence de ces touristes est liée à ce sentiment de malaise voir de jalousie que l'on a vu naître en Algérie quand les manifestants de Tunis ou de Sidi Bouzid criaient « révolution » en affrontant les balles pour chasser le tyran. Et à La Marsa comme à Hammamet ou ailleurs, flotte ce regret selon lequel les touristes algériens ont finalement raté ce qui aurait pu être pour eux les meilleures vacances de la décennie en Tunisie…...
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lundi 1 août 2011

Ramadan, c'est parti !

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Allez, c'est parti. Un mois... Faut tenir, mon gars ! Chaque année, on se demande si l'on va tenir le coup. On ressasse les mêmes idées : pourquoi ne pas fixer le ramadan au mois de décembre (pour les habitants de l'hémisphère nord) ? Pourquoi ne pas le diminuer par deux ? Pourquoi ne pas nommer de grands jeûneurs qui jeûneraient au nom d'une communauté (pratique qui existe en Indonésie) ?
Et pourquoi jeûner ?
Certainement pas pour se faire du mal.
Mais par devoir religieux, par conviction. Par ascèse. Par volonté de dire non à un rythme de vie de plus en plus fou.
Pour autant, ni mauvaise humeur, ni envie d'en découdre : juste l'envie de se replier sur soi, de lire plus, de travailler tout autant et de résister à l'envie de se transformer en tube digestif ambulant.
Il y a un an, j'avais témoigné de mon soutien à celles et ceux qui ne veulent pas jeûner. Je le renouvelle aujourd'hui. Chacun est libre de jeûner ou pas. Poursuivre en justice celles et ceux qui ne font pas le ramadan est une bêtise qui montre bien que nos dictatures n'ont que la matraque comme point de repère.